Le fan et la critique du mainstream

oeufsJ’aimais mieux ce que <xxx> faisait avant d’être connu !

On pourrait penser que le succès d’un artiste soit un événement de nature à réjouir ses fans. Ce n’est pas toujours le cas. Avoir de nombreux fans ne signifie pas la reconnaissance artistique espérée, du moins pas aux yeux de tous les fans. L’artiste est devenu « commercial », il s’est « vendu », il cède au « succès facile », il a perdu son « âme et sa spécificité ».

Parfois, la critique est légitime, quand le travail de l’artiste commence à souffrir de la nouvelle popularité.

Un exemple courant est le premier album d’un groupe construit par des années de travail, dont chaque titre a été poli et validé par de nombreux concerts, auquel succède immanquablement un album « vite-fait » en studio.

Parfois, une crise d’ego ou simplement l’accès à des moyens de production plus étendus (arrangements, orchestration) entraîne la rupture avec les fans historiques qui préféraient le couple voix et guitare acoustique aux nappes de cordes d’un orchestre symphonique souligné de traits de synthés.

D’autres fois, le public présent aux concerts change, les nouveaux venus ignorent les codes historiques nés de la complicité avec l’artiste dans des salles plus intimistes, et l’ambiance différente est perçue comme un éloignement Ce sentiment est renforcé par l’augmentation du prix des places et l’indisponibilité de l’artiste, souvent associée à une irritante surexposition médiatique.

La plupart du temps, c’est du snobisme.

S’il n’est pas agréable d’être le seul à aimer quelque chose, le petit snobisme de faire partie d’une minorité, d’un petit club exclusif est très agréable, car il permet de se sentir au-dessus de la masse des moutons dont on pense toujours pouvoir et vouloir se distinguer. L’appartenance à cette petite élite est également une un manière d’affirmer un statut social. Le mépris de la masse se manifeste par l’idée que si une œuvre plaît à la plupart, c’est qu’elle est vendue, médiocre et sans prise de risque. Si aimer tout, c’est manquer de goût. cela n’implique pas qu’être aimé de tous est la preuve d’un manque de qualités tranchantes.

Parfois ce sentiment use du détestable « l’artiste devrait se soucier de l’Art, pas de la popularité ou du succès financier » (et tant pis si il y a des factures à payer). Ce que ces gens aiment chez l’artiste, c’est la relation qu’ils entretiennent à travers lui, une relation exclusive qui alimente leur ego, voire son asservissement. Dans ces conditions, rien de plus désagréable que de voir l’artiste prendre son envol, alors que c’est ce que tout bon fan devrait souhaiter.

D’ailleurs bon nombre de personnes embrassant les campagnes de dénigrement de tel ou tel artiste, se sont souvent contenté de lire une critique superficielle et parfois biaisée sur des sites faiseurs d’opinions prêtes-à-porter. Les sites qui conchient Comic Sans, le CD ou le mp3, chantent les louanges du vinyl, les hipster, les styles de musique identifiables, les styles émergents et leurs porte-paroles (c’est de la merd-euh) et tout ce qui était bien mieux avant même que ces gens n’en aient pris connaissance.

Pour les autres, ceux qui étaient là au début, ce sentiment d’appartenance à l’élite se transforme en la grisante sensation de faire partie de cette petite minorité intelligente et supérieure possédant le degré d’exigence nécessaire pour ne pas suivre le troupeau, en pouvant critiquer « à bon escient » une œuvre qu’ils « connaissent bien mieux que les autres ».

La plupart du temps ce snobisme ne peut d’ailleurs s’exprimer que pour un artiste engagé dans le processus de devenir populaire, car en l’absence d’un élargissement de la reconnaissance populaire, l’affirmation de ce snobisme ne peut pas exister. Malheur à celui qui aime ce que nous aimons également mais « pour de mauvaises raisons ».

Ironiquement, cette  minorité agit contre son intérêt en étant prescripteur, trop heureux qu’ils sont d’en souligner les qualités qu’ils sont les seuls à percevoir devant un parterre d’incultes qu’ils pensent éduquer. Ils doivent alors changer de cible, de style musical, pour toujours rester dans cet équilibre délicat du snob qui se complaît à détester ce que les autres aiment, après avoir aimé ce qui n’intéressait pas grand monde.

Donc en gros détester le mainstream, c’est mainstream … serait-ce la preuve que c’est raisonnable de tout détester jusque dans sa propre contradiction. On en est au point qu’un nouveau mouvement a vu le jour, le normcore, une esthétique de la normalité, un refus apparent de la mode,

… qui par définition devient donc une mode.

Je crois qu’on s’en sortira jamais …

Graphique : la vie des petits groupes en 1980 et en 2000, ce qui a changé

1980

2000

Source : http://www.bcommeboxsons.com/

Pourquoi aimons-nous les répétitions dans les morceaux de musique ?

Répétition et plaisirIl est difficile de nier que l’écoute de la musique, quand nous avons décidé de son moment et avons l’opportunité de la choisir, procure du plaisir à la plupart des gens.

Un plaisir intense pouvant aller jusqu’à des manifestations physiques de jouissance : rougeurs, dilatation des pupilles, réflexe pilo-moteur (chair de poule ou « ce morceau me fout les poils » comme on dit familièrement).

Certains morceaux de musiques sont associés à des moments particuliers de notre vie : premier baiser, premier rapport sexuel, rencontre d’un (ou plusieurs) êtres aimés, première danse, mariage, année particulière dans la vie, concert mémorable.

Nous recherchons parfois volontairement des sentiments négatifs comme une certaine nostalgie ou mélancolie qui ont ceci d’agréable qu’ils sont prévisibles et contrôlables. Qui n’a pas sa playlist « déprime » ou « chagrin d’amour » constituée de morceaux réservés à cet usage si particulier de se torturer avec une douleur exquise ?

Mais pourquoi aimons-nous la répétition de certains éléments dans un morceau de musique ?

Les morceaux regorgent de petites citations revenant à intervalles réguliers, le couplet et le refrain en sont les manifestations évidentes, mais également un thème d’introduction rappelé au milieu du morceau, une figure rythmique ou mélodique récurrente.

Les spécialistes du cerveau attribuent ceci à l’effet de simple exposition qui se caractérise par une augmentation de la probabilité d’avoir un sentiment positif envers quelque chose par la simple exposition répétée. Plus nous sommes exposés à un stimulus et plus il est probable que nous l’aimions. Cet effet se manifeste, que cette chose nous soit spontanément agréable ou non.

Mais si nous sommes exposés à une source de plaisir, nous souhaitons la voir perdurer. La répétition d’un élément musical qui nous procure du plaisir, au lieu de nous ennuyer, augmente donc ce plaisir par l’anticipation agréable que nous avons de sa répétition.

A cela s’ajoute que la constance répétitive des choses, comme notre battement cardiaque ou notre respiration sont des choses familièrement rassurantes.

Une musique sans répétition aucune serait donc moins plaisante, voire décevante.

Ce mécanisme du plaisir amplifié par une familière répétition explique tout à la fois le succès de chansons construites comme des ritournelles répétitives implacables, le succès des ventes de tubes rabâchés par la radio et la télé, l’obligation pour un groupe de rester identifiable avec une image sonore cohérente, et même le succès de ces groupes et morceaux vivant dans le sillage de gros tubes dont ils clonent les éléments marquants pour nous sembler familiers et donc aimables.

Heureusement que nous aimons également les petites surprises semées en embuscade dans tout le plaisir de répétition que nous nous infligeons. Mais elles nécessitent une écoute active pour être perçues.

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