Je n’aime pas particulièrement parler de politique ici. Ce n’est pas là que je me sens le plus légitime, ni le plus à l’aise. Pourtant, quand la politique s’invite dans le champ culturel — ou plutôt, quand elle s’y attaque — il devient difficile de garder le silence. Car défendre la culture, aujourd’hui, c’est aussi prendre position politiquement. Il y a toujours le risque d’en dire trop ou d’être mal compris.

Moi et Godzill’Art
Une culture rentable et tiède ?
Dans le paysage culturel contemporain, une tension majeure oppose deux logiques : celle de la rentabilité et celle de l’exploration. D’un côté, la culture rentable répond à des logiques de marché. Il faut produire des œuvres qui plaisent au plus grand nombre, qui rassurent, divertissent, et surtout, rapportent. Séries calibrées, chansons formatées pour les plateformes de streaming, blockbusters aux suites infinies.
Ce modèle orienté vers le divertissement n’est pas dénué d’intérêt. Il fait vivre de nombreux professionnels, et rend la culture accessible à un large public. Mais, je le constate avec les films de super-héros et les séries, ou en écoutant la radio, on finit par s’y ennuyer sévèrement. Ni trop salée, ni trop poivrée, la soupe tiédit.

It’s all about the money …
Oser !?
Mais à côté de cette industrie dominante, existent des formes de culture plus discrètes, moins visibles : des secteurs de niche, souvent moins valorisés, mais tout aussi essentiels. Jazz, artisanat musical (dans lequel je m’inclus), musique expérimentale, poésie, théâtre d’avant-garde, littérature indépendante, arts numériques, documentaires engagés… Ces univers ne visent pas la rentabilité immédiate, mais la profondeur, la singularité et la recherche de sens. Ils sont souvent un lieu de liberté, d’une résistance face aux formats dominants. Des plus petits publics, des lieux à taille humaine, des productions plus modestes, souvent tout aussi enthousiasmantes. Ce sont les choix des publics qui choisissent parfois au lieu de consommer.
Mais la réussite des artistes n’est pas non plus la reddition à la loi du marché. Tout ce qui est mainstream n’est pas mauvais ou méprisable par essence. Le succès est tout de même un but. Même si certains artistes considèrent que déplaire est également une émotion à explorer. Reste à définir quelle est la définition du succès ? Tout n’est pas fait pour remplir un stade ou un zénith. J’ai souri quand les concerts d’Helena Bailly ont été qualifiés « d’intime », devant 3000 personnes.
Les formes culturelles minoritaires sont aussi le terreau de nombreuses innovations. Elles expérimentent, bousculent, influencent même parfois, à retardement, la culture mainstream. Elles sont indispensables pour renouveler l’imaginaire collectif et offrir une pluralité de regards. Ce sont aussi souvent des concerts proches géographiquement et accessibles financièrement. Des événements qui vont faire vivre un niveau local. Une sorte de circuit court de la culture.
Ce sont les pépinières des talents de demain . Sous leur aspect nébuleux, ce sont les berceaux de futures étoiles. La Belgique est un marché dense, où il est compliqué d’exister artistiquement. Un album ou une tournée sur le marché belge n’est plus que marginalement rentable déjà depuis des années.
Le danger, c’est quand la logique de rentabilité invisibilise. Quand ce qui ne « marche pas » devient ce qui ne mérite pas d’exister. Il est crucial de soutenir des zones de création, par des politiques publiques bienveillantes plutôt qu’hostiles.
Allez, promis, la prochaine fois, on parlera guitare.