La vidéo live a le vent dans le dos. Les plateformes rivalisent pour pousser les créateurs de contenu à adopter ce format. Avec dix fois plus de commentaires et trois fois plus de durée de visionnage que les vidéos non-live, les chiffres de Facebook sont époustouflants. Sur Periscope et d’autres plateformes, le temps de visionnage explose, et le format permet de toucher les plus jeune. Il s’agit évidemment d’un outil magnifique pour ceux qui vivent de leurs revenus publicitaires. Les marques qui transforment l’adhésion en achats de produits sont fan. Pour les autres, la question de la dilution du revenu artistique se pose à nouveau.
Samedi soir, devant la vidéo live des copains
Le samedi soir, les vidéos live fleurissent sur mon journal. Je le reconnais, malgré le son à la ramasse et l’image brouillée (et verticale) c’est sympa de voir ce que font mes amis. Il m’est impossible d’aller les voir en concert de-ci de-là dans notre royaume.
De nos jours tout est filmé, enregistré, diffusé. Si certains diffusent un bref instant du concert pour dire « j’étais là », il m’arrive d’assister à des concerts entiers diffusés en live. J’avais déjà évoqué la question dans un billet à propos du magnifique concert rendu en 20 secondes de vidéo pourrie.
Bien sûr l’artiste bénéficie lui-même de l’effet de promotion de la vidéo live. Il peut décider de diffuser un bout de soundcheck, un aperçu de l’ambiance d’une soirée, ou une interview en backstage. Mais il n’a plus le contrôle du moment et de la qualité de ce qui est capté et diffusé. C’est parfois contrariant. On a tous sa petite blague ou sa petite phrase magique ou le petit morceau reprise-surprise du concert. On n’a pas forcément envie que tout le sel soit éventé en place publique en permanence. Sans parler d’un souci technique éventuel ou d’une salle pas tout à fait comble un soir de foot qu’on préfère oublier.
Les vidéastes improvises n’étant pas mal-intentionnés, il est quasiment impossible de s’opposer au fait de filmer sous peine de passer pour un je-ne-sais-quoi de pas très sympathique ou d’aigri. Ce que je peux comprendre.
Le label Acoustic Music Records avait même lancé un concept de concert payant en streaming. La qualité de la captation et sa diffusion éphémère et unique garantissaient une expérience proche d’un vrai concert en live, dans le confort de son salon. Actuellement ils travaillent sur les solutions techniques et les concerts sont à l’arrêt, mais l’initiative était intéressante.
Où va l’argent ?
Parfois dans une vidéo live j’aperçois une chaise vide. Je me dis qu’il y a là des personnes qui « assistent » au concert sans payer leur place. Si la maigre qualité de ce qui est diffusé ne justifie pas un prix d’entrée, on se demande à qui profiteront les retours de la vidéo dans ce cas ? Bien sûr, il y a l’effet promotionnel qui fera peut-être venir l’une ou l’autre personne à un concert prochain de l’artiste. Ou qui fera découvrir le lieu filmé. Bien sur, rien ne dit que la personne regardant la vidéo par hasard serait venue au concert. Mais à force de jouer aux entrées dans des salles à moitié remplies, même connecté au monde par la petite lorgnette de plusieurs smartphones, les musiciens et les organisateurs ont tout à perdre d’un point de vue financier.
En tant que compositeur je m’interroge également sur la question du respect de mes droits d’auteur. Facebook et Youtube ne manquent pas de me signaler en termes juridiques menaçants quand je me sers de la musique des autres. Fera-t-elle pareil pour ma musique ? La Sabam saura-t-elle harceler sur Facebook aussi bien qu’elle ne poursuit les petites salles de ses assiduités ?
Certains argueront que ce sont des cacahuètes. Mais tous ces marchands de cacahuètes ont l’art de faire leur beurre, surtout quand on les épluche à leur place.
Il faut « faire avec »
Il ne s’agit pas de rejoindre les rangs des pleureuses du joli temps d’avant. Tout simplement je constate qu’il y a des organisateurs qui prennent le risque de faire confiance à des artistes. Ces artistes ont créé du contenu pour qu’au final l’argent soit distribué via le web à d’autres acteurs. Tout cela affecte bien évidemment plus les gagne-petit et les petites structures.
Comme toujours, il y a à boire et à manger dans ces nouveaux outils de communication. A celui qui est filmé de s’en accommoder, et à celui qui filme de respecter le travail de l’artiste.