Quelques mois après avoir débuté à la guitare (ça date donc « un peu ») j’étais chez des amis qui débutaient un groupe de rock « de bal ». Le débat du jour (houleux) entre le claviériste et le guitariste portait sur le fait que le son de la disto n’était pas conforme à celui du morceau original. Les multi-effets n’étaient pas encore la norme et le pauvre guitariste était bien en peine de produire le son demandé.
Je me revois assis sur cette moquette, qui sentait la pantoufle, trouvant qu’ils jouaient si bien déjà et que c »était dommage de se disputer. Faute de moyens, à aucun moment je ne me suis senti tenté par cette course à l’armement pour faire quelques notes (pas toujours difficiles) et perdre autant de temps (et d’argent) à trouver « le » son (cet avis n’engage que l’ado que j’étais à l’époque, pour vous plaindre, adressez vous à lui).
J’ai bien tenté l’aventure d’un groupe de reprises de « The Cure » entrecoupé de compos, mais c’était essentiellement un son clair et on cherchait l’ambiance, pas la performance. Si j’avais 17 ans à nouveau, je ferais sans doute du rock progressif histoire de coller avec mon état d’esprit torturé de l’époque (même si là, à ce moment précis de ma vie, si je devais faire du rock, ce serait sans doute du punk-rock dans la veine des groupes allemands comme Die Ärzte, die toten Hosen ou les Ramones, enfin genre quoi).
La mode chez les musiciens est à vomir les cover-bands. Moi je suis partagé. Avant tout, je trouve qu’ils font un super boulot, d’une qualité incroyable pour certains. Et cette qualité est récompensée par un succès sans doute mérité, car des reprises de qualité c’est du boulot. Même si d’autre part, je trouve l’exercice un peu vain et qu’à vaincre sans péril on triomphe sans gloire.
Par contre, le public et les organisateurs s’engouffrent dans la brèche du manque de courage qui semble sévir déjà sur les radios et les télés. Il ne restait déjà que le live et son bouche à oreille, les concerts et les festivals pour espérer amener « sa » musique devant les oreilles et cueillir le baiser de la gloire et le fruit sec de la critique (mais les fruits secs sont bons pour la santé). Comme ces cantines d’école qui, oubliant leur devoir d’éducation et soucieuse du chiffre, se mettent à ne servir que pâtes et burgers de fast food.
Jouer de la musique écoutée, validée, adoubée et passée au crible du temps et de la sélection naturelle. Évidemment, que la musique est bonne ! Elle a fait ses preuves déjà. Évidemment, ne pouvant espérer avoir le groupe original, faire jouer un cover-band pour une fraction du prix est une évidence. Évidemment, le public frileux viendra plus volontiers boire des bières en sachant dans quelle sauce il sera baigné.
Ce n’est pas pour rien que beaucoup de « groupes de bal » ou « groupes de reprises » sont devenus des cover-bands spécialisés ne parcourant qu’un univers musical d’emprunt à la fois pour répondre à la demande d’un public de moins en moins éclectique. Les sorties sont chères, la bière est chère et on n’aime plus « perdre son temps »: plaisir immédiat, risque zéro, retour sur investissement garanti. Du côté des musiciens qui veulent « tourner » et faire bouillir la marmite, qui les blâmerait ? D »autant qu’étant en général vraiment fan du groupe original, le plaisir et la générosité sont présentes … et ils s’amusent.
Le grand écart devient toutefois maximal lorsqu’ils entrent en studio, partagés entre un « best-of » et quelques compositions. Comme pour les actrices de X rêvant de faire du cinéma, le changement de plan de carrière ressemble à une voie sans issue à moins de recommencer à zéro sous un autre nom.
Pour ma part, mes objectifs n’étant pas alimentaire, mon succès étant inexistant, mon agenda maigrichon, je ne m’inquiète guère 🙂 Je ne suis ni jaloux, ni frustré, ni haineux, au cas où quelqu’un penserait çà.
Je ne compte plus les amis me faisant remarquer que je devrais moins parler de mon univers musical, enchaîner plus de morceaux et jouer plus de « trucs connus ». On me cite en exemple, l’album « Catch the Spirit » de Jacques Stotzem, … un album de « reprises ». Note: alors qu’il s’agit d’un album d’arrangements, la nuance est importante. Transposer la musique d’un groupe de rock entier, chanteur compris, sur une seule guitare est d’une autre trempe qu’une reprise, tant au niveau de la composition que de l’interprétation.
Bien sur je fais quelques reprises, de morceaux qui m’amusent, pour me faire plaisir, et jalonner mon univers de petites fenêtres en clin d’œil vers le monde connu et rassurant. Même que, parfois, je me dis qu’un groupe de reprises acoustiques, qui ferait des arrangements de choses qui me plaisent, serait une chouette manière de tourner un peu (Note to self: ne pas oublier de répondre au mail à ce sujet).
Vous reprendrez bien un peu de musique avec vos frites ? Vous verrez, je la fais moi-même, à la maison, vous me direz si elle est bonne.