En repartant de Virton, après le concert en duo avec Olivier Poumay, des pensées me trottaient dans la tête. Je pensais au risque que prennent les endroits comme le Blues-Sphere Bar ou le café-théatre Hors-Cadre en programmant des concerts de musique live, faite « à la main » par des gens comme moi.
Peu importe que le spectacle soit qualitatif et riche artistiquement (et nous mettons tout en oeuvre pour qu’il le soit, reste au public à juger si il l’est), chaque concert est à la merci du bon vouloir du public. Aucune garantie de succès, malgré les efforts de promotion de chacun et une programmation qualitative sans désaccords majeurs qui devrait inciter le public à une certaine confiance.
Un public qui, il faut le reconnaître, est sollicité de toutes parts, entre les concerts de reprises gratuits, les karaokés, le foot et les carnavals et autres bals populaires. Et nous le sollicitons également par la promotion de chacune de nos dates. Difficile pour ma part de faire plus de promo sous peine de devenir vraiment pesant ou de me ruiner dans de coûteuses et aléatoires campagne ressemblant à des bouteilles à la mer.
Un risque est donc pris par des gens qui ont un commerce à faire tourner et qui osent malgré tout tenter l’aventure, malgré la Sabam, l’AFSCA, les contrôles et les vexations administratives qui frappent l’horeca coupable d’être marchand de joie dans un pays que tout le monde semble vouloir sec et austère, alors que nos bières mettent du soleil dans nos verres.
Côté musiciens, le risque assumé est pris en amont, en préparant un projet abouti sans se sentir obligé de plaire au plus grand nombre. Il y a les frais de matériel et d’amplification. Le temps passé à définir, affiner et répéter le set. Ce risque pris en amont peut justifier la logique du cachet, à condition que du côté des artistes le maximum soit mis en oeuvre pour promouvoir le projet et le concert.
Par contre, le système de paiement basé sur les entrées payantes permet de faire peser une plus grande part de risque sur l’artiste, bien qu’il ne soit lui-même pas responsable de la promotion locale faite par l’organisateur.
Parfois tout semble réuni … et ça ne marche pas.
Quel rôle jouent encore les organisateurs subsidiés ? La plupart n’ont pas ou plus de rôle de découvreur de talents local. Ils font de la politique culturelle. Ils poursuivent des objectifs programmatoires mettant un message culturel défini à la portée de tous. L’accès à la culture pour tous, côté salle, pas côté scène. C’est un constat, pas un reproche, ils ont aussi une boutique à faire tourner et des comptes à rendre, au sens littéral comme figuré.
Quel rôle jouent encore les radios ? Quel rôle jouent les journaux et magazines (l’impact de mon passage dans le ciné-télé revue est logiquement anecdotique) ? Les télés programment des interprètes de talent aux carrières jetables qui font et refont des recettes approuvées de longue date, jeunes carottes dans de vieilles marmites. Chez le discounter de musique en gros, des colonnes permettent d’écouter dans un casque les grosses productions que vous aurez déjà entendu ad nauseam à moins d’être sourd comme un pot. Les productions sont uniformisées en son, texture et goût, au point que personne ne s’attache au parfum du mois, sachant qu’un autre lui succédera immanquablement.
Comment donner l’envie ? Comme pour les aliments, redécouvrir le produit local, artisanal, pas toujours exempt de défauts, toujours empreint d’authenticité. Comme pour les légumes, inciter chaque jour, à écouter 2 morceaux de musique. Les écouter vraiment, pas se contenter de les entendre comme une oie qu’on gave ? Oser demander à une personne qui ne nous ressemble pas ce qu’elle écoute comme musique ?