Les concerts se suivent et, selon la formule consacrée, ne se ressemblent pas. Hier je posais mes instruments et mes notes pour habiller musicalement le Marché de Noël du Mr Bricolage. Mettre un marché de Noël d’artisans dans une grande surface assez mainstream et y faire de la musique peut sembler étrange, mais quand on connaît un peu mon ami Quentin, gérant du lieu, ce n’est pas surprenant du tout. Toujours prêt à tenter des trucs.
Le montage, c’est pas du bricolage
Ce soir c’est la grande Schleppe (du verbe allemand « schleppen », traîner) : instruments, pedalboard et sono. Strass et paillettes ? Non, no-stress et palettes. Cette année ma scène est posée près des décorations de Noël. L’an passé, je jouais au rayon perceuses, ce qui permettait bon nombre de jeux de mots, cette année je ne peux même pas dire que ça sent le sapin, puisqu’ils sont artificiels. Je suis dans les décos de Noël. A défaut d’être lumineux, je ferai des guirlandes de notes.
Ce soir c’est un grand set, avec un peu de ukulélé et pas mal de guitare. J’ai des charmantes voisines au look de mère Noël qui présentent le travail du studio photo, Studio flamingo. Un shooting photo comme cadeau de Noël, pourquoi pas, j’y penserai pour ma Lovely Roadie. Les pauvres photographes devront passer la soirée collées à ma sono. J’essaierai d’avoir un son propre et de bien jouer, c’est la moindre des choses.
Évidemment je fais tomber une vis du support de la table de mixage à travers les claire-voies de mes palettes. Évidemment mon bras est trop gros pour aller la rechercher. Tant pis. Un peu plus tard un onglet de doigt part rejoindre ma vis. Heureusement, j’ai un jeu de rechange. Je suis prêt.
Le montage terminé, je m’octroie un très bon panini à la porchetta.
Le concert
Je suis content du son, mais le dosage est compliqué, L’environnement encombré absorbe pas mal les basses tout en réfléchissant l’aigu et le médium au niveau du sol et du plafond. On n’a pas tous les jours un ingé son sous la main comme à l’An Vert pour chercher les derniers carats.
Je commence un peu plus tôt que prévu (on avait parlé de 19 h, mais il y a pas mal de monde à 18h30). C’est pas gênant en soi. Dans ce genre d’endroits, je suis toujours fasciné par les réactions spontanées des enfants. Ils viennent se planter devant la scène, fascinés. Serrés dans les petits gilets et anoraks, bonnet et écharpe, les deux bras en compas à 45 degrés, ils peuvent à peine bouger, mais ils dansent. Il n’y a vraiment rien de plus pur et de naturel que leurs réactions. Ca fait du bien. Les mauvaises langues diront que le bruit d’une perceuse ou d’une bétonnière les fascine sans doute autant, mais je m’en fiche, ça fait du bien.
Évidemment, c’est une animation musicale, pas un concert. Je ne dois pas me battre pour exister, je suis le décor sonore. L’air de rien j’en profite pour glisser quelques nouveautés dans mon set. Notamment ma petite valse irlandaise, Lùsana. J’en profite également pour retrouver la maîtrise de l’espace-temps qui m’a un peu échappé lors de mes deux derniers concerts. Ca fait du bien. Après tout, on va au magasin de Bricolage pour réparer des trucs. Chez moi, c’est ça qui était un peu cassé.
Un concert en si naturel
Au deuxième accord, le courant a sauté, mais il a été promptement rétabli.
Au bout d’un moment, la soif se fait sentir. Je pose la guitare, et je passe à la caisse juste devant moi avec une bouteille d’eau plate. Tout ça paraît tellement normal.
Ma voisine photographe est un peu isolée dans son coin, elle me demande pour pouvoir utiliser mon micro pour faire une petite annonce. J’en profite pour demander à son « assistante » de prendre quelques photos avec mon smartphone pour llustrer mon compte-rendu. Je n’ai pas d’ingé son, mais je me fais shooter par une photographe pro pour le coup ! Bon j’imagine que dans un tel décor avec un modèle comme moi, ça va pas être la plus belle photo du monde. J’ai jeté un oeil a ses books, ça envoie. Je sens qu’un de ces 4 je ferai un vrai shooting avec guitare, peut-être un cadeau d’anniversaire à mettre sur ma liste ?
La soirée se passe dans une atmosphère simple et bon enfant. J’y retrouve bien plus l’esprit des fêtes de fin d’année que dans les embouteillages de piétons grognons et pressés du centre-ville.
Déjà fini ?
Je vois de temps en temps l’un ou l’autre ami souriant qui passe. Ce marché de Noël attire du beau monde. Je m’amuse vraiment bien ce soir, C’est presque avec surprise que je vois arriver les derniers morceaux de mon set. J’ai commencé tôt, et pour ne pas laisser la soirée « nue » au moment d’affluence, j’ai renoncé à mon break du milieu. J’ai l’impression qu’il est plus tard. Je réfléchis à quelques morceaux à ajouter, mais la fatigue est tout de même là.
J’hésite à recommencer mon premier set pour continuer à meubler, mais après en avoir discuté avec le patron, il ne reste qu’une demi-heure, c’est la file aux caisses. La soirée se continuera dehors au bar.
Je m’octroie une bière (tiens la Moinette, encore un bon souvenir de concert). Reste à démonter la sono et attendre que ma Lovely Roadie vienne me récupérer. En attendant j’en profite pour récupérer ce que j’ai fait tomber sous mes palettes.
Je ressors du Mr Bricolage avec assez de sourires et de regards bienveillants pour réparer mon envie et mon amour-propre. J’en avais besoin, merci à tous les plus ou moins anonymes.