Cela fait quelque temps que je suis à la recherche de nouvelles chevilles pour ma Martin OM21C. Malheureusement en raison d’une réglementation américaine, les modèles en ébène avec incrustation de nacre que je convoitais ne peuvent plus être exportés en dehors du territoire US, ni par Martin, ni par Steward Mac Donald.
Note: si la plupart des espèces utilisées dans l’industrie ne sont pas menacées ou protégées dans le cadre de la CITES, le commerce transfrontalier reste un point d’entrée pour la contrebande de produits illégaux. La preuve de la légalité incombant au pays exportateur, il est souvent plus facile d’importer ce type de matériaux de pays notoirement peu regardants sur l’origine de ce qu’ils exportent que d’exporter au départ de pays soucieux de respecter les législations en vigueur. Pour cette raison, sur les modèles exportés, les chevilles sont en plastique, ce qui évite de longs retards en douane et des tracasseries administratives, voire un blocage et une confiscation de l’instrument pour quelques points de nacre ou du bois d’origine suspecte.
Si le plastique utilisé pour les chevilles me semble qualitatif, je me suis souvent demandé si ce n’était pas un pis-aller et si ce genre de détails pouvait « vraiment » faire une grande différence.
J’écumais les sites pour voir si par hasard il ne restait pas un stock de ces chevilles en ébène et nacre dans un recoin.
En vain.
Mais en rangeant mon matériel d’entretien pour la guitare, j’ai fait une découverte. J’avais commandé il y a bien longtemps des chevilles pour remplacer les chevilles de ma guitare Bourgeois. Hélas, trop fines, elles ne convenaient pas, et je ne les ai eues en main que quelques minutes avant de les remiser dans un coin d’une boîte à outils. Des jolies petites chevilles en ébène et nacre ! Quel idiot, ce que je cherche depuis des mois était sous mon nez !
Excité comme une puce africaine, je me suis lancé dans l’installation des chevilles. Changement de cordes, inspection des trous et nettoyage. Elles sont parfaites, pile au bon diamètre.
J’ai enfin la réponse à ma question: Oui, la différence est très nettement perceptible. Ceci confirme l’impression selon laquelle plus une modification est proche de la source mécanique du son, plus son effet sera important.
Je note un peu plus de chaleur, un son plus rond et, si je puis me permettre une visualisation toute subjective de ma perception de la modification du son, je pense que l’ébène est un peu plus rapide, le pic d’attaque est un peu moins « sec », ensuite la perte de volume est plus progressive donnant une impression d’un sustain plus long. Sur les cordes extra-light, le rendu avec le plastique donne une attaque où le son est un peu claquant. Le plastique a un pic de volume maximum un brin plus marqué, ce qui pour le jeu aux onglets est presque un désavantage.
La diminution relative de ce point particulier, associée au supplément de chaleur et le léger surcroît de sustain perçu me plaisent. Du coup, le diamètre et la tension des cordes sont moins sujets à marquer des différences d’attaque et le son semble plus équilibré surtout entre les cordes aiguës et le médium.
Si ce n’est pour des raisons esthétiques, il est facile de renoncer au petit point blanc en nacre pour opter pour un modèle plein en ébène qui sera exporté sans soucis.
Pour le prix modique de cette amélioration, ça vaut un bon 10/10 sur mon échelle de piments ! En tous les cas, ça vaut la peine de tester le matériau qui convient à votre jeu et votre guitare.
En faisant quelques recherches sur le sujet, je suis tombé sur cette excellente vidéo qui illustre parfaitement la question avec d’autres matériaux comme la corne, le palissandre et le laiton.