Le stade ultime de la musique ?

Samedi, j’ai assisté au concert de Ed Sheeran au stade roi Baudouin. Musicalement, j’ai beaucoup aimé la débauche d’énergie et la générosité du musicien. Ca fait plaisir à voir et à vivre, mais … 

La critique lue

Avant de me rendre au concert j’ai lu une critique (dans le Soir) où le journaliste affirmait que la musique d’Ed Sheeran, en solo avec son looper n’était pas forcément faite pour un stade, car je cite :

« … tenir la scène comme ça, souvent seul, même s’il le fait depuis longtemps (comme à Werchter en 2018), c’est tout de même un peu juste dans un stade. Il n’est ni Springsteen ni Bono et encore moins Mick Jagger. Ses chansons sont bonnes mais trop reprennent le même modèle de la mélodie d’amour triste. Vous enlevez chacune de ses chansons contenant le mot « love » et le concert ne dure plus que vingt minutes. »

Je ne rejoins pas tout à fait l’avis du critique (hey, c’est mon droit !) sur le fait que c’est un peu juste et qu’on finirait par s’ennuyer. Les mélodies sont belles, les paroles racontent de belles histoires plutôt universelles. En plus, il émane de l’artiste un truc sympathique.

Ed Sheeran sur grand écran

Ed Sheeran sur grand écran

Le bilan de l’expérience

Achat des tickets : l’achat en ligne est évidemment facile et rapide. 10/10

Validation des tickets : tout passe par un smartphone, plus de papier. Si ça permet de lutter contre le marché noir, c’est dommage de ne plus pouvoir ranger le bout de papier dans un tiroir pour le retrouver, l’oeil humide, vingt ans plus tard. On se sent à la merci d’une panne de batterie ou de réseau. 6/10

L’arrivée au stade : avec un peu de préparation, l’accès au stade est facile, le parking est accessible. Même si il faut marcher un peu pour rejoindre sa tribune. 8/10

La bouffe : contrairement aux festivals, ici tout semble confié à la même société et la bouffe est peu variée, chère et très oubliable. Faire une mauvaise saucisse mal cuite dans un pain est un art rare. Les boissons sont ok, même si cette manie de confisquer le bouchons des bouteilles m’agace. Sans doute pour éviter que la bouteille remplie serve de projectile. Tout se paie avec une carte à recharger pour éviter le cash. 3/10

L’artiste : Rien à redire – des beaux morceaux, une voix juste de ouf, un groove impeccable et il aime son métier et son public, de toute évidence. C’est d’ailleurs pour ça qu’on est là. 10/10

Les places : les places (assises) les plus chères donnaient une vue insuffisante sur la scène à mon goût. La faute au stade et à sa piste d’athlétisme, mais alors le prix devrait refléter cette configuration particulière. Ceci dit la vue d’ensemble sur l’installation scénique et le public est agréable. 5/10 (évidemment un vrai concert se vit dans la sueur du parterre, mais j’ai une tendinite un peu handicapante).

Concert d'Ed Sheeran - Stade Roi Baudouin

Concert d’Ed Sheeran – Stade Roi Baudouin

Petit rappel de de géométrie pour mes voisins.

Si le côté adjacent à l’angle A (la distance avec la scène) est très grand (par exemple 80 m) par rapport à votre taille (le côté opposé) (par exemple 1.20 m assis et 1.70 m debout), l’angle A sera très petit.

 

Selon la formule.

AC² = BC² + AB²

avec BC <<< AB, on peut considérer que AC ≈ AB

Dans ce cas, la différence entre l’hypoténuse et le côté adjacent devient négligeable. En clair, à partir d’une certaine distance on ne voit pas mieux en se mettant debout (ou alors, pourquoi payer pour une place assise ?).

0/10 en maths et en savoir vivre

Le son : la voix et la guitare étaient magnifiques, je suis impréssionné par l’amplification d’une guitare acoustique dans le contexte d’un stade. Par contre les basses et infrabasses transformaient le tout en une bouillie sonore un peu douloureuse et inaudible. Je ne sais pas si c’est moi ou la configuration du stade, mais cela a nui à mon plaisir tout au long du concert.D’autant que pour les fréquences aussi basses, les bouchons d’oreilles ne sont pas d’un grand secours. Je suis toujours étonné d’entendre si peu de monde se plaindre du son ou du volume sonore. J’imagine que les limites légales sont réspectées, mais que tout le monde est un peu sourd, temporairement ou définitivement. Ce serait si agréable de pouvoir écouter. Les deux-tiers du volume auraient suffi. Du coup j’enlève un tiers des points 6,66666/10 (épargnez-moi les « ok boomer » et autres « vieux con »)

Le spectacle : le visuel était réussi et le show bien mené. Finalement à croire que l’essentiel c’est de prendre la photo, la vidéo et de dire, j’y étais. 8/10

Le départ du stade : on a mis deux heures à sortir du parking, apparemment les transports en commun ne se portaient guère mieux avec des stations de métro inaccessibles pour cause de surpopulation temporaire – 0/10 

Le bilan

Je m’interroge sur le rapport qualité-prix, surtout sur les à-côtés. J’imagine que l’organisation est un casse-tête. Au final, je me demande si le problème n’est pas tant que la musique n’est pas faite pour être jouée dans un stade, mais qu’au final un stade n’est pas vraiment fait pour la musique.  Mais finalement lassé de le deviner loin sur scène, on regarde l’artiste sur un écran et on met des bouchons pour sauver ses oreilles. Mais on savoure malgré tout le coude à coude avec la masse d’inconnus qui vibrent au même son. 

J’ai toujours été un client difficile pour les festivals et les gros concerts. J’aime l’expérience visuelle et humaine, mais je reste souvent sur ma faim. Même pour du rock ou de la pop, j’aime écouter et comprendre les paroles, les nuances. Mais tout est tiré au canon à purée dans mes tympans. J’aime tendre l’oreille, là je suis obligé de me protéger. Je suis là pour écouter de la musique et souvent la configuration du lieu est un obstacle à cette expérience, particulièrement dans un stade. Au Francofolies de Spa, j’entendais Charles Gardier insister sur l’importance des petites scènes.

Finalement cet article est plus à voir comme un plaidoyer pour aller voir les artistes quand ils sont petits ou moyens et jouent dans des petites salles. C’est aussi l’expression du regret de ne pas l’avoir fait moi-même.

  • « J’ai vu truc dans un bistrot »
  • « J’ai vu machin dans une salle de 300 personnes »
  • « J’ai vu chose en acoustique »

C’est là que le futur pousse.

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