C’est un peu compliqué d’évoquer le mot « humilité » sur un support public qui est le reflet de son parfait contraire. Par contre face à la tablature d’un morceau de Jacques Stotzem c’est le concept qui m’a sauté aux yeux. Il y a quelques semaines, Jacques avait posté sur Facebook une vidéo de quelqu’un qui reprenait « The Way To Go« , la plage titulaire de son album de balades. Sur le ton taquin qu’on lui connait, il en a fait un petit challenge pour ses fans guitaristes et ex-élèves.
Chiche !
Ma première réaction, peut-être présomptueuse, a été : pourquoi faire ? Pourquoi bosser ce morceau ? Je ne le jouerai pas en concert. J’adore cet album. Mais en toute humilité, je préfère m’atteler à essayer de jouer mes compositions du mieux que je peux plutôt que de mal jouer des morceaux qu’il survole de son talent. Et lustrer mon manche et patiner mon morceau pour le rendre plus joli consomme déjà un temps appréciable. Mais sur mon épaule vit le petit diable qui adore qu’on lui dise « chiche ». Et puis sortir de sa zone de confort ne fait pas de mal.
J’ai replongé dans de vieux souvenirs … attacher les feuilles les unes aux autres pour ne pas devoir tourner les pages. C’est un truc qui m’a toujours agacé quand j’apprenais un morceau. Tourner la page casse le groove et finit toujours par créer une zone à problèmes à un endroit du morceau pas forcément technique. J’aime essayer de lier les parties très tôt quand j’apprends un morceau. Jouer des mesures isolées m’a toujours causé des problèmes au moment d’assembler le morceau, surtout dans un style où les changements d’accords et la durée des notes dépassent les barres de mesures.
Ensuite, il faut réfléchir et trouver un doigté pratique pour la main gauche. Et un doigté qui donne le bon son pour la main droite. Avant, lors des cours et des stages on passait beaucoup de temps avec Jacques à décortiquer cet aspect des choses. Il faut respecter la logique du rythme et certaines règles. Au final, sans autre indication c’est le son qui décide. Annoter, regretter et puis changer d’avis sur tel ou tel doigté. Avoir des moments « Mais bon sang, c’est bien sûr ! » pour certains passages et garder ses doutes pour d’autres. Mettre des P, I, et des M partout sur la feuille. Évidemment, dans ces conditions, il est impossible d’avoir des certitudes, mais l’objectif fixé est de chercher la bonne attaque et le bonne durée des notes.
Et puis vient le travail au métronome pour mettre la colle sous les pieds des notes.
La leçon d’humilité !
La vraie difficulté de ces morceaux c’est de trouver l’équilibre entre la technique et l’expression pour que tout sonne. Je n’ai pas toujours atteint les résultats escomptés. Certains passages ne sont pas encore corrects. L’exercice m’a amené à me focaliser sur le son, sans forcément l’atteindre. Du coup la leçon devient plus claire : travailler le son, l’attaque, la durée des notes et le tout en étant détendu. Beau challenge.
Après, puisqu’il y a challenge, il faut livrer le produit même si j’aurais pu encore passer une année à affiner de-ci-de-là. C’est aussi l’aveu humble que tout n’est pas parfait, sans se chercher d’excuses.
La partie en brush n’est pas correcte, et la variation en haut du manche est trop hachée. L’attaque des notes doit être plus maitrisée. Je dois encore vérifier si vraiment ce serait impossible de jouer avec cet autre doigt qui permet de garder la note un rien plus longtemps. Je dois également réécouter le morceau original dont je me suis sans doute éloigné en le travaillant.
La guitare est un merveilleux instrument qui force l’humilité à chaque note.
On ne triche pas, on ne compromet rien avec une guitare. Elle trahit tout, la bonne position se mesure en dixièmes de millimètre, la bonne pression en une quantité infime de Newton/cm². Dans le livre Zen guitar, il est dit que l’objectif n’est pas de jouer un morceau mais de faire une belle note, et puis une autre, et puis encore une autre … et c’est la leçon que je vais tenter d’approfondir, aussi longtemps que possible, note après note.