Il y a exactement 15 ans, le 23 octobre 2001, Apple présentait le premier iPod. Il propose un écran monochrome de 2 pouces et un disque dur de 5 Gb. Ce baladeur permet d’emporter environ mille chansons de 4 minutes au format mp3. Vingt-deux ans plus tôt, Sony présente le premier Walkman. Ces appareils ont changé notre rapport à la musique.
Mon fils a douze ans, hier il a reçu son premier baladeur. Indéniablement un signe de liberté et d’émancipation pour le pré-adolescent qu’il devient sous mes yeux.
Quels changements le nomadisme musical a amené dans nos vies ?
L’affranchissement de l’espace
Avant ces inventions, l’écoute de la musique nécessitait des espaces fixes spécialisés : espace familial, salle de concert, église ou fête de rue occasionnelle. L’espace était culturellement marqué et donnait un contexte et une légitimité à la musique qui y était pratiquée. La musique jouée dans une église n’était pas celle attendue dans un club de jazz enfumé. Le lieu marquait l’attente musicale d’un groupe culturellement défini. En substance, le lieu, le groupe social et la musique formaient un tout initiatique qui imprégnait l’auditeur.
Se libérer du temps
La musique, dés le moment de l’enregistrement s’est également libérée du momentum de son exécution. L’oeuvre ou l’album peut s’envisager en RANDOM, les titres s’enchaînent au hasard des algorithmes. Les titres peuvent être répétés et ré-écoutes ad libitum, voire ad nauseam. Avec les pratiques d’écoute nomade, on peut écouter au saut du lit les dernières notes du concert d’une fin de nuit ou se baigner dans un chant sacré de l’aube du bout du monde, tout en se laissant bercer par le train du soir bondé de nos semblables.
Note : Pour certains, le retour à certaines pratiques d’écoute “lentes”, comme se repasser un “bon” vieux vinyl pourrait être la recherche d’une recollection d’un espace-temps dédié à l’écoute.
Deux espace-temps concomitants
Notre esprit subit un hiatus entre le temps et l’espace perçus mentalement au travers de ce que nous écoutons et celui du réel qui nous entoure. Le baladeur permet l’isolement en créant un espace conforme à l’humeur de l’instant. De cette manière, il permet de se distancier de l’espace sonore contraint, qu’il soit urbain, professionnel ou domestique.
A l’heure actuelle, il n’existe plus guère de moment ou de lieu privilégie dédié à la musique. Ces lieux ont même tendance à disparaître. L’écoute individuelle est éclatée. Socialement, on n’a guère de comptes à rendre sur ce qu’on écoute.
On pousse sur PLAY au saut du lit et sur STOP sur l’oreiller (quand on oublie pas d’éteindre). La consommation de la musique se fait en masse, on emporte des dizaines de milliers de morceaux de musiques sur son iPod.
On entend la musique, on ne l’écoute plus. Pour certains c’est une opportunité d’ouverture sur un univers musical presque sans limite, pour d’autres la cause d’un enclavement volontaire.
Paradoxalement, la musique qui nous est imposée par l’autre dans un espace dont nous sommes captifs et dans un temps contraint est perçue comme une nuisance intolérable.
Finalement au travers du Walkman et des iPods, de toutes les fonctions de la musique c’est l’isolement qui permet une forme apaisement et surtout le plaisir de la musique en tout lieu et à toute heure qui se sont banalisés et universalisés.
Difficile de ne pas y percevoir une forme de progrès pour l’individu.