Dur de se lever dans le petit matin pluvieux. A la radio pleuvent les annonces sur la débâcle due à la grève du rail et j’ai une pensée pour mes compagnons de navette empêchés de travailler. Mais aujourd’hui j’enfile mes bottes de 7 lieues (oui, bon, ok, j’ai pris la voiture) pour traverser presque tout le pays, direction le pays des collines pour deux prestations en mots et en notes de guitare.
Je ramasse mon ami Rumelin – conteur, devant chez lui, pile à l’heure prévue. J’apprécie sa ponctualité, qui est la politesse des rois, et devrait être celle de tous les artistes (et des trains, mais c’est une autre histoire). Nous avons tout de même 2 heures de route à faire. Il faisait brumeux pour notre première sortie contes & guitare, il fera brumeux pour la seconde.
Arrivés à Amougies, nous avons une demi heure pour le montage. Notre décor est simple et esquisse un campement de trappeurs isolés dans la forêt. Deux hommes des bois qui ont aperçu l’un le feu de l’autre et ont décide de ne pas passer Noël tout seul. Ils partagent ce qu’ils ont et, pour passer le temps, l’un conte avec des mots, l’autre raconte avec des notes. Des histoires de loups mangeurs de musiciens, des notes entre chien et loup, de soldat de plomb au destin fabuleux, de plumes qui s’envolent, de renards chapardeurs de poules dodues et de braves gens perdus dans les bois la nuit de Noël. Chaque conte est relié au suivant d’un trait d’union: un morceau de guitare ou de ukulélé qui souligne l’ambiance d’un chapelet de notes.
La première représentation est une matinée scolaire pour une petite centaine (?) d’enfants, assez discipliné que Rumelin met dans sa poche, là où il n’a pas sa langue. La scène est assez confortable et spacieuse, et surplombe les rangs d’enfants d’une bonne hauteur et d’une certaine distance ce qui ne facilite pas toujours les interactions avec le public. La pensée qu’une telle scène est pourtant idéale pour un concert de guitare solo me traverse l’esprit. Pour ma part, un peu froid après 2 heures de route, le montage et un café enfilé à la hâte, je suis un peu raide et mon jeu s’en ressent. Malgré tout, il faut laisser l’effet se faire et les choses se passer. Au bout d’une cinquantaine de minutes, l’attention des enfants s’évapore, et nous terminons le spectacle.
La seconde représentation a lieu dans la bibliothèque, à 300 mètres de là. Nous démontons, et mettons le matériel en lieu sûr, sous clef dans la bibliothèque. Ma guitare restera avec moi, je ne supporte pas l’idée de l’abandonner quelque part. Reste à trouver un endroit pour manger un bout. Le GPS nous renseigne un endroit prometteur du nom de « La Taverne du Forgeron gourmand » qu’on croirait sortie d’un jeu de rôle. Un nom qui cadre bien avec l’ambiance de la journée, et nous fait bien rire, mais hélas, nous ne trouverons jamais ladite taverne. Le plan B ? Direction Tournai pour le repas de midi.
Nous marchons un peu dans le centre-ville, et par manque d’imagination, nous poussons la porte d’une pizzeria … turque. Enfin, c’est en recevant ma pizza que je me rends compte que le nom de la pizzeria évoque paradoxalement la Turquie plutôt que l’Italie, … mais la Pizza est malgré tout très correcte. Avec un petit litron de rouge, que demande le peuple. De toute façon, il n’y a rien de pire que de miser sur des mauvaises frites ou un mauvais sandwich, une mauvaise pizza, c’est rare. Nous profitons de la pause de midi pour débriefer le matin d’un oeil critique et sans complaisance et nous apportons quelques ajustements à notre prestation scénique. Après tout, ce n’est que notre seconde fois.
Retour à la bibliothèque où nous attendons la responsable et son trousseau de clef … sous la pluie.
Nous investissons et aménageons l’endroit rapidement. Mon fond de scène servira pour occulter une embrasure de porte dans notre dos. Cette fois-ci, j’ai l’occasion de jouer un peu pour m’échauffer, ce qui change tout. Je me fais plaisir en jouant quelques morceaux qui ne sont pas prévus entre les contes, ce qui a l’avantage appréciable d’attirer du monde venu par hasard à la bibliothèque. Quelques badauds capturés par le son s’assoient. Quelques familles, puis une troupe d’enfants se joignent au groupe et nous pouvons démarrer devant un groupe compact et attentif.
Le public de l’après-midi est plus âgé que celui du matin et les contes se font plus chargés en forêts denses, les loups sont plus nombreux, plus féroces et les renards plus rusés. J’interviens également à quelques reprises pour alimenter l’énergie du duo. Au niveau décoration sonore, c’est un sans faute, le niveau de qualité visé est atteint.
Démontage et retour au pays. Dans la voiture nous évoquons nos histoires de vieux combattants, nos vies respectives en boires et déboires (je connais Rumelin depuis bien longtemps).
Nous évoquons également d’autres opportunités de collaboration que vous découvrirez sans doute un jour, … mais ceci est une autre histoire ! 🙂