Le matin, en sortant de la douche, j’ai constaté qu’une des lampes de ma salle de bain était hors-service. Empêtré dans ma serviette de bain et mouillé, j’ai très vite repoussé l’envie d’y toucher. Il n’y a aucun point commun entre Claude François et ma musique, et je préfère que cela reste ainsi. Mais je me demande si cette panne de courant était prémonitoire ?
Les conditions de jeu sont optimales. Tous les petits détails qui rendent la vie des artistes plus confortables ont été pris en compte par les organisateurs. Une place de parking à proximité, un local (propre, chauffé, fermé) non loin (la bibliothèque communale) pour se changer et manger un bout, une scène correcte et une sonorisation adéquate.
La balance son se passe sans histoires. C’est une des raisons pour lesquelles je privilégie une ligne directe entre ma guitare, l’ampli et la sono sans gadgets inutiles à part un accordeur au sol. Olivier a des soucis avec l’alimentation de son couple multi-effet-looper (décidément, l’électricité nous joue des tours). Heureusement les sonorisateurs ont une alimentation de rechange.
Puisqu’il nous reste un peu de temps avant le concert et qu’Olivier sort d’une semaine de stage d’harmonica qui a entamé son tonus, on décide d’aller boire un café.
Steve Houben et ses musiciens qui jouent après nous, ont fini leur balance et mangent un bout. Personnellement, je préfère manger après le concert, parce qu’en général, que j’aie mangé ou pas AVANT, … j’ai faim APRES !
Au moment de retourner vers la scène, le ciel nous tombe littéralement sur la tête, pour un bonne drache (pluie diluvienne pour les non-belges). Je cours jusqu’à la scène, Olivier me suit, avec le sac de son costume sur la tête. Je suis trempé et mon éternel chiffon rouge-doudou-essuie-corde-de-guitare fera ce soir aussi office de serviette de douche. Nous retardons le début du concert de quelques minutes, l’organisateur a été informé qu’une partie du public est coincée sous le déluge.
Tant mieux, j’ai le temps de me sécher et de me réchauffer. L’eau s’engouffre sous les bâches du chapiteau sur les côtés, mais la scène, le bar et le parterre sont à l’abri. Je crains un instant pour l’affluence, mais finalement la tente se remplit (de gens, pas d’eau), jusqu’aux tables mange-debout du fond.
Le concert débute fort bien, avec un Olivier finalement très en forme (le café ?). Le second morceau du set est Triangle Bermuda exit, et j’ai le sentiment qu’on y est, dans le triangle des Bermudes. Dehors c’est une vraie pluie tropicale qui s’installe …des éclairs complètent l’ambiance de fin du monde. Et à propos de fin du monde, soudain tout s’arrête … le courant a sauté.
La pluie fait un peu trop de bruit pour continuer le concert en acoustique, mais Olivier lance un entraînant Reel irlandais que j’accompagne de quelques accords et en donnant du pied sur la scène pendant que le public frappe dans les mains. Pendant ce temps, les sonorisateurs et les organisateurs tentent de ranimer la fée électricité qui s’est noyée. Olivier prendra également place au piano pour quelques notes, histoire de meubler.
Le courant revient sur mon ampli uniquement et nous branchons Olivier sur le second canal pour enchaîner avec la suite du concert sans la sono d’avant scène, avec une balance son un peu acrobatique en plein morceau. Un brin trop acrobatique et à la fin du morceau, avec le retour du courant général, nous reprenons avec joie la configuration initiale. Le son me semble même meilleur qu’avant la panne, allez comprendre.
Le public en tout cas n’a perdu ni sa patience, ni sa bonne humeur. Et l’incident n’aura pas affecté notre prestation. Le duo m’a fait bosser la mise en place des morceaux de manière rigoureuse et le supplément d’automatismes libère mon jeu et c’est un véritable plaisir de jouer ce soir. Nous avons pris pas mal de retard sur l’horaire, je suis inquiet, mais l’organisateur ne semble pas s’en émouvoir. Continuons …
Chacun d’entre nous aura son moment en solo avec le public. Moi avec « Lovely Roadie ».
… et Olivier qui nous fera un incroyable solo celtico-tibetain à base d’harmonica, d’un looper, d’effets, d’un bol d’eau et d’une pompe à vélos, entre autres …
Le concert se termine avec Caravansérail, un fortin dans les dunes où l’harmonica d’Olivier pose des sons qui m’évoquent le vent chantant sous les colonnades de la cour intérieure.
Nous terminons sous une belle salve d’applaudissement tandis que le bourgmestre de Vielsalm monte sur scène pour nous dés-annoncer et annoncer le groupe suivant un quator composé de Steve Houben (Saxopone), Jacques Dupriez (Violon Baryton), Sal La Rocca (contrebasse) et Pascal Mohy (Piano).
Nous tentons de démonter et de nous replier rapidement sur le côté de la scène pour faire de la place aux vraies stars de la soirée, mais hélas, monsieur le Bourgmestre est debout sur mes câbles et je ne me vois pas le capturer dans un nœud coulant par un petit geste vif … je démonte tout ce qui peut l’être et ma Lovely Roadie roule, range et replie sur le côté de la scène tout en distribuant mes toutes nouvelles cartes de visites. Mon dernier câble sortira en serpentant au sol dans les pieds du contrebassiste qui débute son set.
Nombreuses félicitations et marques d’intérêt du côté du public. C’est l’heure de la traditionnelle bière d’after-show, une Farnière, bière forte du coin. Très forte et à la moitié de mon verre, nos déboires avec le courant sont loin, et moi aussi.
Nous discutons avec les amis venus nous voir, en savourant le jazz délicat que distille le groupe sur scène, mais nous sommes attendus pour le casse-croûte et notre charmante hôtesse de la bibliothèque nous emmène pour manger un bout. La ville de Viesalm est connue historiquement pour ses saumons et truites (dont elle tire son nom et son blason), c’est donc une belle assiette de saumon qui nous attend, avec un bon vin rouge dont j’ai oublié de noter le nom.
En remontant dans l’auto, je me souviens que lors de ma précédente visite guitaristique à Vielsalm je suis tombé en panne de batterie.
Pourtant, après une aussi belle soirée, je ne pense pas qu’entre Vielsalm et moi … le courant ne passe pas.