Starac 2024 : les pleurs et les cris

Certains le savent, je regarde la Starac, refusant le mépris des produits de masse qui devrait seoir au musicien qui a du goût. Malgré tous les défauts techniques ou de principe de ce genre de concept, j’aime le monde de la scène. Et j’aime bien regarder dans les coulisses par le trou de la serrure. Sur la lancée de l’année passée, j’ai suivi la Starac 2024. Histoire d’en finir, et de tourner la page, voici mon ressentumé – mon ressenti-résumé.

Seul sur scène

Quand on pense que les grandes stars ont des pistes vocales sous-mixées quand elles doivent danser. Quand on sait que chaque spectacle est préparé pendant des mois avant de tourner. Ici, deux ou trois journées de préparation, parfois quelques heures remplies de diverses activités. Chapeau ! On a beaucoup souligné les faussetés des uns ou des autres, y compris chez les finalistes. Mais, on oublie un peu vite que de nos jours, tout est lissé, autotune, surproduit. Et qu’en vrai live, parfois la voix glisse vers la justesse, tremble un peu dans une harmonie. Même en live, on se sert de la correction de justesse. Quand on réécoute des disques plus anciens, on peut être frappé par les imperfections qui sautent à nos oreilles modernes habituées au propre.

L’année passée fut une saison exceptionnelle, baignée de bienveillance et d’amitié. Cette année, m’a un peu moins passionnée, deux univers musicaux se sont affrontés en finale : les pleurs et les cris. Mais, parlons un peu des candidat.e.s qui se sont succédé.e.s.

Certains feront carrière, parce que faire carrière dans la musique, ce n’est pas forcément tourner dans les Zéniths ou faire la Fête de la musique sur TF1 entre Souchon et Bruel. D’autres vivront de leur musique dans leur région, sortiront quelques morceaux sur les plateformes. Pas tous ne survivront à l’étiquette Starac qui finira par pâlir. 

Les candidats de la Starac 2024

Ce n’est que mon ressenti, n’en prenez pas ombrage. Ma légitimité est asymptotiquement nulle. Un mot sur chaque candidat.e, dans l’ordre des éliminations :

  1. Maylis Rouard (20 octobre 2024) : Première à quitter l’aventure, j’aimais bien le grain soul de sa voix et son placement rythmique, mais la malheureuse candidate belge n’aura pas le temps de faire ses preuves.
  2. Paul (26 octobre 2024) : Éliminé lors du second prime, je trouvais son talent s’exprimant surtout dans l’outrance. Dans les années 70, il aurait fait un tabac en mêlant sa provocation à une sorte de cabaret déglingos, mais cette sauce a perdu de son piquant et ne prend plus en 2025.
  3. Thomas Doppler Bianco (3 novembre 2024) : sa personnalité vocale ne m’aura pas marqué et il était noyé dans le groupe.
  4. Noah Boisnoir (9 novembre 2024) : une belle voix, des faussetés qu’il aurait pu sans doute corriger avec le temps, comme Charles. Mais, avec Noah se posait la question du répertoire. Il aura finalement peu chanté sur les primes. Existe-t-il un répertoire pour les voix douces et graves comme la sienne ? En dehors du crooner latino, qui est un style un peu daté.
  5. Emma Broyon (16 novembre 2024) : mignonne et pétillante, attachante, bonne danseuse, elle était le binôme parfait pour aller représenter la Starac au NRJ Music Awards avec Masseo. Mais elle manquait de l’envergure vocale « de concours ». L’ultime chanson pour défendre sa place reste un très très bon souvenir. Elle a montré une incroyable justesse d’interprétation ce jour-là. Elle sera finalement repêchée pour rejoindre la tournée.
  6. Masseo Gayez-Banzept (24 novembre 2024) : Je le trouvais bon danseur, pas mauvais chanteur, mais un peu inconsistant. Un peu effacé parfois et surtout présent via ses binômes.
  7. Julie Demierre (1er décembre 2024) : J’aimais beaucoup sa voix, mais elle n’a pas su s’imposer. Pour ma part, vocalement au moins, elle méritait de faire la tournée. Je me demande encore toujours si le public lui a fait payer de friendzoner Masseo en public

Les candidats pour la tournée Starac 2024

  1. Maureen Valet (8 décembre 2024) : excellente chanteuse. Je n’ai rien trouvé à redire sur elle.
  2. Maïa Wojcik (14 décembre 2024) : pour cette candidate et la suivante, je comprends que l’amitié et le côté bonne copine au château a pu jouer, mais l’ordre des éliminations ne m’a pas toujours paru logique au regard des prestations artistiques.
  3. Marguerite Dedeyan (28 décembre 2024) : très bonne interprète, mais avec un répertoire sans doute limité aux voix parlées, soufflées. Quelques bons moments qui auront justifié sa longue présence au château, incompréhensible pour certains.
  4. Ulysse Saragas (4 janvier 2025) : le BG à guitare, catégorie reine où j’ai essayé de « compétiter » dans ma jeunesse. Parfois à la peine vocalement, très moyen en danse. Le bon gars, qui joue de la guitare à la buvette du camping.
  5. Franck Lenar (23 ans, Bagneux) : classe et premier de la classe. Souvent bon en évaluation et bosseur, je l’ai toujours trouvé moins bon « que lui même » en prime. Mais un très beau parcours.
  6. Charles Doré (11 janvier 2025) : la surprise, il est très jeune, il a tout à coup découvert sa voix et sa voie. Et depuis il n’a cessé de nous épater. Je le voyais en finale. 
  7. plus Emma, repêchée lors d’un prime spécial

La finale en noir et blanc

Les finalistes de la Starac 2024 étaient Marine Delplace et Ebony Cham, avec Marine remportant la compétition le 25 janvier 2025. 

La finale de la Starac 2024 était 100% féminine et s’est déclinée en noir et blanc, jusque dans les tenues des candidates. Ce n’était pas un hasard. Le concours s’est politisé, avec la question des votes des territoires français d’outre-mer. Le racisme (pour les uns) et le wokisme (pour les autres), voire la misogynoir sont venus perturber les débats. Il est impossible de nier que cela puisse jouer un rôle, mais la différence de vote est trop criante (Marine 65%/Ebony 35%). Certains ont même accusé les familles de verser des pots-de-vin ou d’avoir des relations haut placées. Pour ma part, le face-à-face était à un autre niveau.

Ebony, la showgirl, les cris

Une excellente chanteuse, à la voix puissante et assez bonne danseuse. Perfectionniste et ambitieuse, elle a souvent affiché un certain agacement perçu comme de l’arrogance. Pourtant, les dernières semaines au château, je commençais à apercevoir la fragilité derrière le masque de fer. Elle a été trop mise en avant par la production et trop protégée par les profs, selon certains. Son père, toujours mis à l’image, achevait le tableau de la chouchoute surprotégée. Le public en aurait cultivé un certain ressentiment, empêchant de s’attacher à elle. J’ai essayé de regarder au-delà de ça, sans toujours y parvenir.

Malgré d’incroyables qualités, pour ma part, elle poussait beaucoup sa voix, écrasant parfois son timbre. Certaines voyelles en devenaient laides. Elle n’articulait pas toujours bien, ni en français, ni en anglais. L’affrication (du latin affricare, qui n’a rien à voir avec l’Afrique, contrairement à ce que « pensait » Zemmour) a fait des ravages. 

De manière générale, pour tous les candidats, le public avait tendance à s’émouvoir de hautes notes puissantes, même quand elles étaient parfois un peu fausses. C’est ainsi qu’on chante à Vegas ou à The Voice, on y fait de l’haltérophilie vocale. C’est un style. Mais même la magnifique interprète qu’est Céline Dion me fatigue, tant je ne ressens rien en l’écoutant, une fois l’admiration technique retombée.

Elle transformait la plupart des duos en affrontement, soulevant les notes avec des han de bucheron et affichant parfois une colère de marchande de poisson. Quand elle chante : « Ne me jugez pas », j’entends : « Allez vous faire foutre ». Elle arrive à hurler sur « Petite Marie » de Francis Cabrel, pour ma plus grande consternation. 

Mais les tableaux dansés étaient impressionnants, elle inondait la scène. Malheureusement, l’affectif joue beaucoup dans les votes pour les candidats. Il est compréhensible que tant de spectateurs, y compris les profs et le directeur, voyaient s’ouvrir une belle carrière devant elle. Je la voyais gagnante, souhaitant à Marine une belle carrière libérée du poids de la Starac. Je me suis même demandé si ce ne serait pas le meilleur scénario.

Marine, la fille d’à-coté, les pleurs

Bien sûr, elle aura crié comme on le lui demandait quand il fallait, même malade, en plantant un « All by myself » de concours. Mais Michaël Goldmann lui-même a dit que c’était un répertoire un peu étriqué qui peut presque devenir un handicap.

Avec une personnalité drôle et attachante, c’est ailleurs qu’elle aura le plus brillé pour moi, Marine aura su combiner une technique vocale impeccable, une voix puissante et juste, avec une énorme fragilité pour transmettre de l’émotion au bon moment. Elle avait parfois une note superbe qui touchait à l’absolu (pas forcément criée, pas forcément haute). Elle m’a littéralement « foutu les poils » quelques fois. Et ça, ça ne trompe pas, comme disait Marlène, la prof d’expression scénique. 

Marine n’aura pas eu le monopole des larmes de la Starac 2024, loin de là. Mais son manque d’assurance, ses doutes l’ont rendu touchante, en tout cas pour moi. Pour elle, ce n’était pas du tout cuit, ce n’était pas gagné d’avance. Si pour Ebony, la Starac semblait une étape sur le chemin, pour Marine, c’était un rêve accessible auquel elle peinait à croire. Il aura fallu qu’elle arrive en demi-finale pour commencer à y croire. Même proclamée gagnante, elle semblait bouleversée.

C’est peut-être parce qu’elle doutait et tremblait qu’elle aura emporté l’adhésion du public qui aura voulu lui offrir son rêve.

Et maintenant.

Ebony a sorti un single « Unforgettable » que personnellement, je trouve ironiquement un peu oubliable (oups). Marine a un single « Ma faute » qui cartonnait déjà pendant sa présence au château, et qui s’envole dans les playlists. Avec une mélodie accrocheuse. Toutes deux peuvent faire carrière sans aucun doute. Quel succès, quelle durée, impossible à dire…

Tout va dépendre de ce qu’on leur écrira ou de ce qu’ils écriront. Comme toujours avec un tremplin, fut-il musical, le plus dur n’est même pas le saut dans le vide, mais l’atterrissage.

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