On parle réverbération ? La taille (du son) ça compte !

Que ce soit pour la voix ou des instruments, difficile de donner vie à un enregistrement sans réverbération. Tout comme les chauves-souris se localisent dans l’espace, notre cerveau utilise les réflexions du son pour analyser notre environnement. En effet, grâce à la réverbération, nous pouvons percevoir des informations comme la taille de la pièce, notre position dans celle-ci, le volume sonore, la distance et même la nature et la dureté des matériaux réfléchissant le son. En l’absence de ces informations, le son semble sec, froid et peu naturel. Il est donc difficile de véhiculer une intention ou une émotion musicale sans l’envelopper d’un espace sonore cohérent.

Perception de la réverbération du son

C’est un mécanisme fantastique dont nous oublions l’existence si nous n’y prêtons pas attention. Nous percevons en premier le son directement émis par la source. Les premières réflexions arrivent ensuite à nos oreilles avec un léger retard. Ce retard nous informe sur la taille de la pièce dans laquelle le son se produit. Le son décroît ensuite plus ou moins rapidement. Les réflexions qui nous parviennent pendant cette décroissance nous informent sur la complexité de la pièce et les matériaux rencontrés. La vitesse à laquelle le son décroît nous donne des informations sur la dureté des matériaux rencontrés et leur capacité d’absorption ou de réflexion.

Un problème historique

Dès les débuts des enregistrements, donner une image sonore naturelle et cohérente a été le souci des ingénieurs du son. Le moyen le plus simple était de placer les musiciens dans une pièce à l’acoustique et à la réverbération maîtrisée. Certains producteurs repassaient leur vinyle dans une salle pour réenregistrer le son avec de la réverbération. Pour pouvoir contrôler plus finement la réverbération, on a eu recours à des chambres de réverbération. Il s’agissait d’une salle annexe aux murs réfléchissants dans laquelle on plaçait des diffuseurs pour réenregistrer le son réverbéré. Certaines avaient des parois amovibles pour pouvoir être ajustées. Mais ces dispositifs occupaient une place énorme.

L’utilisation de grandes plaques de métal stimulées électriquement a permis de réduire légèrement la taille du dispositif. Au lieu d’utiliser toute une pièce, on pouvait en mettre 3 ou 4 dans une pièce. Mais le tout restait imposant, au point que les plaques de réverbération du studio Abbey Road sont situées dans un grenier. Une fois installées dans les années 1950, malgré les possibilités de réglage, le son était défini… définitivement.

Réverbération à plaques chez Abbey Road (source Waves)

Réverbération à plaques chez Abbey Road (source : Waves)

Vers la miniaturisation… et les sons artificiels

La première réverbération artificielle construite a été créée par Laurens Hammond (celui des orgues du même nom) en 1939. Les gens qui achetaient un orgue étaient déçus de ne pas retrouver l’ampleur d’un orgue d’église dans leur salon rempli de meubles et de tapis. Hammond s’est intéressé à un dispositif utilisé par Bell. Ce dispositif, à base de ressorts amortis, était utilisé pour compenser la réverbération dans les transmissions téléphoniques à longue distance. Prenant le concept à contre-pied, il a eu l’idée d’utiliser des ressorts tendus entre deux bobines pour générer de la réverbération. L’effet pouvait être ajusté en jouant sur la longueur du ressort et son diamètre. Les premières reverbs de ce type étaient très imposantes. Au départ les orgues étaient fournies avec d’immenses diffuseurs, ça ne choquait pas que les réverbérations soient très grandes.

Vers 1961, Leo Fender réussit à en fabriquer une qui tenait dans un boîtier de la taille d’une tête d’ampli. Rapidement le son de ces reverbs à ressort envahit la musique pop américaine de l’époque. Dans les années septante, les premières pédales utilisant des réverbérations digitales font leur apparition. De nous jours les pédales offrent types de reverb et de vastes possibilités de réglage du son.

Pédale de réverberation (source : TC Electronic Hall of fame)

Pédale de réverberation (source : TC Electronic Hall of fame)

Actuellement, il existe des puissants plugins permettant sur un ordinateur de homestudio d’utiliser des algorithmes de réverbérations.

CSR – Classik Studio Reverb

Certains plugins à convolution vont recourir à une modélisation très complexe de l’image sonore. Pour créer cette image sonore, on enregistre et on analyse d’abord une impulsion sonore dans un environnement réel. L’analyse servira ensuite de négatif sur lequel le son final sera imprimé par calcul. Certaines réverbs sont suffisamment réalistes pour qu’une oreille exercée peine à les distinguer d’une réverbération naturelle.

Réverbération à convolution (source : Waves)

Réverbération à convolution (source : Waves)

Les types de réverbération

À l’époque de la naissance des amplis avec réverbération, certains fabricants intégraient déjà des échos à bande dans leurs amplis. Mais certaines reverbs étaient improprement baptisées « echo », terme plus familier pour les musiciens de l’époque. Pourtant ce sont deux choses distinctes. Théoriquement, une réverbération atteint votre oreille après 0,1 seconde et ne peut pas être distinguée du son initial, tandis qu’un écho sera perçu comme nettement distinct du son initial.

Les réverbérations artificielles, qu’elles soient à ressort (Spring) ou à plaques (Plate) ont des sons caractéristiques. On distingue aussi différents types de réverbération plus naturelles sur base de l’impression d’espace qu’elles nous procurent.

  • Room : une pièce de petite taille, avec des surfaces dures peu réfléchissantes
  • Studio : un espace réduit, avec des matériaux absorbants
  • Chamber : une pièce de taille moyenne, avec des surfaces réfléchissantes
  • Hall : une salle de concert, avec des réflexions plus tardives
  • Arena : un immense amphithéâtre avec un fond d’écho
  • Cave : une caverne 
  • Cathedral : des réflexions courtes et nombreuses sur des matériaux durs

Au niveau des réverbérations au rendu artificiel, on trouve des curiosités pour créatifs comme les modulated reverb, reverse, psychedelic shimmer, etc.

L’utilisation des reverbs

Il est possible de se passer de réverbération, par exemple pour la musique électronique aux sonorités purement et volontairement artificielles. Hors de ce contexte particulier, deux directions coexistent pour l’utilisation de la réverbération. D’une part on peut chercher à donner du réalisme et de la cohérence au son. D’autre part on peut souhaiter l’utiliser comme un effet pour colorer un son ou le décaler de son réalisme.

Depuis le début des enregistrements et le besoin de réalisme la réverbération a évolué. Je constate que sa popularité n’a pas diminué. Sa mise en œuvre est devenue bien plus facile, et plus variée allant du son de salle de bains au plus grand des canyons. Les effets digitaux ont ouvert le chemin à des réverbérations artificielles irréelles ou éthérées qui ne servent plus de béquille à la prise de son, mais sont une couleur supplémentaire dans le processus créatif.

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