Jacques Stotzem m’a demandé de filmer quelques uns de ses morceaux pour son nouveau projet Acoustic Tribute to Rory Gallagher.
Fan et ami de longue date, j’en ai profité pour lui proposer quelques vidéos pour faire découvrir l’arrière du décor. Des vidéos pour mettre en images la passion extraordinaire et entière que Jacques voue à la guitare et à la musique acoustique, son dévouement à son art et son exemplaire générosité.
Depuis un moment, j’avais deux plans précis en tête pour cette vidéo … l’entrée en scène capturée depuis le rideau, et l’arrivée en voiture sur le lieu du concert. Lors de mes propres concerts, je perçois ces deux moments comme des pivots entre tout ce qu’on imaginait, l’anticipation et la préparation, et le moment où les choses basculent pour devenir réelle. Entre les deux, pour le contenu de la vidéo, on verra bien. Très modestement, le fait d’être un peu guitariste et d’avoir fait quelques petits concerts m’est bien utile pour imaginer que filmer et comment raconter l’histoire.
Rendez-vous à Marchin à 16h30, pour un concert dans un chapiteau de cirque avec des gradins en demi-cercle qui promet des prises de vues intéressantes. Les Stotzems sont déjà sur place quand j’arrive, mais tout le matériel n’est pas encore déchargé. Je me glisse à l’arrière de leur voiture, et on fait un demi tour au coin de la place pour avoir ce fameux plan de l’arrivée. Avec mon steadycam à bout de bras pour avoir un suivi le plus fluide possible, je les suis jusqu’au moment où ils soulèvent un pan de la toile du chapiteau pour entrer dans la salle.
J’installe deux caméras fixes, une sur la régie, et une sur scène pour filmer le soundcheck. Une troisième caméra reste en réserve pour des plans larges de la salle vide, des plans rapprochés de Jacques et pour les interviews qui viendront entrecouper les séquences consacrées au soundcheck. Je m’attends à un soundcheck d’une grosse demi-heure. A mon plus grand étonnement, ce sera bien plus long que ça, entre l’exigence sans faille du musicien superbement calme et ferme, et la volonté des techniciens de tirer le meilleur son possible en éliminant le moindre petit coin d’ombre qui se cacherait entre les aigus cristallins, le médium charpenté et la basse ronronnante de la Martin signature de Jacques. Je prends la mesure de la distance astronomique qui sépare le petit monde d’amateurs que je fréquente de celui des grands professionnels.
Le soundcheck se termine enfin et pendant que les éclairages de scène sont finalisés, voilà le moment de réaliser quelques interviews. Des questions en français, pour le « marché francophone » et en anglais pour le reste du monde. Par rapport à notre briefing initial, il me reste deux plans essentiels à prendre : le moment de calme avant la tempête, pendant lequel Jacques s’isole pour se concentrer et joue un peu, et l’entrée en scène.
Mais puisque tout le matériel vidéo est là, l’envie de filmer une partie du concert fait son chemin. Il va falloir préparer les alimentations (les batteries ne suffiront pas pour toute la durée du concert), et réorganiser les cartes mémoires déjà bien remplies par le soundcheck. Je sacrifie quelques plans inutiles et prépare la prise de vue. C’est mon premier tournage, et je me rends compte de la masse de paramètres à gérer, j’aurais aimé que ma roadie soit là.
Et là c’est le drame … en déplaçant le matériel, je fais tomber ma boite à outils avec tout le matériel vidéo entre les gradins et la toile de tente. On ramasse, je recompte, tout semble être là. Je prépare les caméras sans perdre de temps.
Suit un bon repas en compagnie de Jacques et son épouse, les organisateurs et les techniciens. J’en profite pour filmer les instants de recueillement de Jacques dans une loge improvisée.
Ensuite direction le chapiteau pour démarrer les caméras.
C’est sold-out ce soir. Et les gens s’assoient sur les marches pour ne pas rater ce concert. On va chercher des chaises pour encore ajouter des personnes dans la salle bondée. Une de mes caméras est dans la régie, et la régie est pleine de monde, et les gradins également, impossible de retourner pour armer et vérifier ma caméra. Il faudra bien faire confiance et demander à la personne la plus proche de la démarrer.
La caméra en fond de scène est plus facile à démarrer, je l’ai placée devant une fente dans le rideau de scène, je n’ai qu’à tendre la main.
Jacques arrive … il accorde sa guitare pendant que je prépare ma caméra pour filmer l’entrée en scène. Je suis un peu surpris par les plans qui se trouvent déjà sur la caméra que j’ai en main, qui ne sont pas ceux auxquels je m’attendais, mais je n’ai pas le temps de vérifier, pour ce plan ci, je n’ai qu’une seule chance, Jacques écarte le rideau et entre dans la lumière.
Préoccupé par le cadrage de mes caméras et surveillant de loin les petites lumières rouges qui m’indiquent que les caméras font leur boulot, je profite du concert depuis le backstage.
Magnifique concert où le public fasciné boit littéralement la musique de Jacques. Tout est parfait …
Je constate que la caméra située en régie s’est arrêtée bien avant la fin du premier set. J’essaie de me connecter avec elle par WiFi, pour la redémarrer, peine perdue. La caméra me signale que la carte mémoire est pleine,
Très étrange, cette carte était supposée être formatée et pouvoir filmer plus de deux heures de concert en HD. Impossible d’agir avant l’entracte. Pendant le break, je replace une autre caméra en haut de la salle, mais je sens que les images du concert sont compromises.
Le mystère s’expliquera lors du dépouillage des rushes. Lors de la chute du matériel, tout était mélangé, j’ai perdu une carte mémoire de 16 Gb et remis une carte déjà utilisée lors du soundcheck dans ma caméra. On prend acte : pour la prochaine fois, j’ai doublé ma capacité de mémoire pour ne plus devoir manipuler ces minuscules cartes dans la pénombre, et je me suis offert une télécommande longue distance permettant de piloter les caméras à distance.
J’avais peur de ne pas arriver à raconter l’histoire sur un temps raisonnablement court, Mais le montage sera finalement limpide, presque évident, malgré le grand nombre de raccords à faire. Je me suis imposé la durée d’un morceau de Jacques comme canevas : l’entrée en scène, et puis un compte à rebours inverse pour raconter comment on en est arrivé à ce moment, en partant de la scène de la voiture, des passages extraits du soundcheck, passant peu à peu du son brut acoustique sur scène au son finalisé, entrecoupé des interviews, pour clore par l’entrée en scène une seconde fois pour boucler la boucle.
Mais l’essentiel est que la mission principale justifiant ma présence ce soir est réussie … la série de vidéos « backstage pass with Jacques Stotzem » comme je le surnomme a pris vie ce soir.
Un making-of d’une vidéo backstage, c’est un peu le backstage du backstage, mais voici l’épisode numéro 1 :