Quand je compose, je cherche en général à rendre, par des notes, un moment, une ambiance et des sentiments par l’énergie ou la douceur.
Souvent il s’agit d’un instantané de ma vie que je raconte en notes pour le partager et le projeter en creux sur l’imaginaire de mes auditeurs. Certains auteurs parlent de musique narrative pour une musique évoquant un événement ayant une certaine durée ou de musique impressionniste s’il s’agit d’un instant ou d’un paysage.
On croit la musique intrinsèquement narrative, car elle est constituée d’objets sonores et sa construction linéaire et rythmée et ses mélodies présentent des analogies avec le langage. Le langage présente lui-même des éléments musicaux comme les intonations mélodiques, les accents, les rythmes et les syncopes.
Mais la musique ne devient réellement narrative que par le récit qui l’encadre, ou son titre.
Privée de tout accompagnement, de titre, d’annotations, ou d’une sollicitation expérimentale préalable ou contextuelle, une œuvre musicale, par elle-même, ne peut pas nous raconter d’histoire. C’est l’auteur qui consciemment fait précéder son œuvre de récits, de titres et de programmes. Sans leur titre, les 4 saisons de Vivaldi ne feraient pas la pluie et le beau temps sur les lignes d’attentes des centraux téléphoniques.
La tendance naturelle qu’ont les auditeurs (sensibilisés ou non à la musique) de décrire leur propre expérience auditive, et leur perception de la musique, par un récit construit s’appuyant sur des éléments de la réalité, renforce l’idée que cette forme permet au compositeur de créer une accroche dans l’imaginaire de l’auditeur.
Le récit peut être souligné par la présence de « Topoï » des unités sonores répétées dont le sens est défini par consensus culturel et qui évoquent des sentiments, des lieux, des objets, des mouvements ou des phénomènes naturels. Ils inscrivent le « discours » musical dans le temps. Le discours musical se nourrit de répétitions, de rappels, de préparations, d’attentes, de coups de théâtres et de résolutions qui sont des éléments culturellement définis.
Un autre élément dans la boîte à outils du narrateur instrumentiste est le figuralisme, qui cherche à rendre littéralement des éléments sonores comme le vent, les battements d’un cœur ou la respiration, un chant d’oiseau ou des intonations de la voix (ex: accents toniques dans la paire question-réponse, interjections).
Le compositeur déploie une conduite auditive, une main-courante qui permet l’accordage de deux imaginaires. Cette approche permet de combiner l’intention narrative de l’auteur avec la liberté de l’auditeur.
Une fois le décor planté, le discours musical aura pour objectif de répondre à la question centrale de tout récit « que se passe-t-il ensuite ? » et « comment ça finit ? ».
1 Commentaire
bel article 🙂
je parage entièrement cette conception de la musique narative