Ce soir, j’ai joué « Entre chien et loup » et « Lovely roadie » sur un trottoir de la banlieue de Liège, sous une fine pluie d’été.
Cette soirée n’aura finalement tenu aucune promesse, et pourtant, ça fait du bien de sentir l’air chaud de la nuit couler sur moi et la musique couler de mes doigts et trouver l’harmonie sensible d’un harmonica et s’y attarder.
Le reste n’a pas d’importance, pas même le tohu-bohu et le charivari de la musique des années 80 venant de la porte du bistrot d’à côté. Parfois le plaisir est simplement inoxydable. Après tout, la musique n’est que « Wasted time », la plus belle façon de perdre son temps.
Toujours à la recherche d’occasions de jouer en public, je me souvenais d’un endroit qui jouait la carte du club de Jazz, ouvert aux expériences et aux Jams. Depuis mon anniversaire où j’avais été rejoint au débotté par Oliver Poumay (harmonica) pour des versions revisitées de mes compos, je caresse le rêve de jouer quelques morceaux en duo. Mes compositions sont des pièces de soliste à la base, mais inviter un musicien pour un duo, c’est comme faire visiter sa maison à un ami architecte, un autre regard, expert, pour partager la beauté de certains endroits, et dire le même endroit avec d’autres mots. On s’est donc donné rendez-vous pour jouer un peu et se fixer un petit répertoire. La vie est injuste avec certains instruments, comme l’harmonica, qui se retrouve toujours dans le rôle de celui qui improvise. Olivier m’avait bien transmis des partitions de certaines de ses compositions, malheureusement, mon bagage de solfège, d’harmonie et de jeu en groupe est bien déficitaire.
Juste après le souper, j’embarque guitare, ukulélé et un peu de matos et me rends au pied-à-terre du coeur d’Olivier sur Liège. Une tasse de thé (excellent choix de boisson dans la moiteur du soir), et nous parcourons un répertoire potentiel que j’avais pointé. Mon idée est d’essayer d’aller au delà des ballades avec improvisation pour doubler quelques morceaux plus dynamiques avec de l’harmonica. Cela nécessiterait évidemment plus de temps que nous n’en avons. Certains candidats tombent rapidement sous le couperet. Mais néanmoins, nous trouvons des univers possibles sur « Wicked weasel » et même un « Last steam engine train » que j’aurais vraiment aimé enregistrer. Les ballades où l’harmonica fait merveille, presque comme une évidence grâce au talent et la loooongue expérience d’improvisation d’Olivier.
On en oublie le temps et finalement, nous sommes en retard. Direction la Jam, arrivé sur place, première surprise, les musiciens paient leur entrée. Bon ma foi, la somme est modique mais tout de même. Payer 5 euros pour approcher une scène, même si on est en théorie remboursé en tickets boisson, ça surprend. Sans doute que certains soirs dans la salle pleine, il y autant de musiciens attendant leur tour que de spectateurs.
Assez rapidement, je me rends compte qu’il y a une erreur de casting manifeste sur l’endroit. Ca joue et ça chante, et fort bien même. Olivier fera un passage sur scène avec ses harmonicas pour tâter le terrain, mais passer avec nos compositions et impros, entre Florent Pagny et Zazie, un répertoire grande variété, c’est arriver comme un cheveu dans la soupe. Aucun jugement de valeur ou snobisme dans cette constatation, « wrong place, wrong time », c’est tout.
Nous sortons, discuter dans le vent chaud qui remonte le long de la Meuse. Quelques gouttes de pluie tombent sur nous. J’ai toujours aimé la pluie d’été, celle qu’on sent à peine, des grosses gouttes tièdes sans violence. Quand j’étais enfant je courais la bouche ouverte, bras écarté et je buvais cette pluie qui avait simplement le goût du jour qui se termine pour un enfant qui ignore encore tout des pluies acides et de la pollution.
Nous décidons de pointer notre nez et nos instruments dans un autre bistrot où Olivier a déjà joué. Au culot, qui sait … mais sur place la fête bat son plein. Au fond, une belle scène, … vide. La porte ouverte déverse de la musique des années 80, quelques noctambules éméchés dansent sur les tables. Wrong time, wrong place. N’allez pas croire, aucune amertume dans ce constat, et surtout pas l’impression de faire une musique qui « mérite mieux » ou de ne pas trouver de public « à la hauteur ». Il y aurait sans doute moyen de jouer -plus- en allant vers la variété, les reprises, les classiques rock ou le blues, comme tant d’autres, qui font ça très bien. Mais même en side-project ça m’intéresse moins et je n’ai tout simplement pas le temps.
Finalement, nous donnons le coup de grâce à cette promenade liégeoise par un petit set de deux ou trois morceaux improvisé sur le trottoir devant le bistrot.
Etrangement, je me sens bien, dans la voiture … parce que j’aime la ville la nuit, et parce que, avant même de nous mettre à la recherche d’un public, nous avions déjà accompli l’essentiel, … faire de la musique.
1 Commentaire
Belle histoire. On aimerait voir le set improvisé 🙂