Maintenant qu’on a discuté de comment éviter de salir son instrument, tôt ou tard, il faut bien se résoudre à le nettoyer. Avant d’entamer le nettoyage, on va commencer par faire un petit nettoyage des bêtises à propos des produits d’entretien qu’on lit un peu partout.
Les bons plans sont des mauvaises idées !
Comme toujours, Internet est votre meilleur ennemi. On y lit des conseils horribles sur l’utilisation de produits pour meubles, produits pour carrosseries, produits alimentaires. Chacun fait comme il veut. Mais à moins d’être un pro du déchiffrage d’étiquettes et des compositions chimiques, évitez les astuces pas chères à base de produits qui ne sont pas spécifiques à la guitare. Ces produits sont moins chers au litre, ce qui peut être intéressant pour une boutique. Mais vu les quantités que vous allez en utiliser au fil des ans, la différence ne se fera pas sentir.
Il est vrai que ces produits sont des produits simples d’un point de vue chimique et que les fabricants chargent l’addition. Mais au moins il n’y a pas d’erreur en vue sur la composition. On aura toujours une formule adaptée aux instruments, un conditionnement adéquat et une notice claire.
Petite liste des fausses bonnes idées, les produits pourris
L’huile d’olive et les produits alimentaires.
La première pression à froid donne un meilleur son en studio que les huiles courantes du commerce qui conviennent mieux pour le live. Nan, je déconne.
L’huile d’olive, ou toute autre huile ou substance d’origine végétale n’est pas conseillée. Les produits de ce type ne sont pas stables dans le temps. Les huiles de ce type ne sèchent jamais vraiment et peuvent rancir. Au fil du temps le dépôt peut prendre une coloration verdâtre (cf. les guitares chez les brocanteurs). Par chance, l’huile d’olive pure utilisée parcimonieusement et rapidement ne pénètre quasiment pas dans le bois, faute de solvant. Il faut l’essuyer entièrement et soigneusement. Sur un bois qui a conservé son huile naturelle, le risque est limité. Elle enlèvera les résidus solubles dans les corps gras, tout comme les huiles minérales. Elle fera également briller et ravivera le fil du bois.
Si cela produit un beau résultat visuellement, sans plus, c’est au prix d’une prise de risque. Sur un bois trop sec, qui a perdu son huile naturelle, sur le long terme ça fera des dégâts. La salive rejoint évidemment la catégorie des produits organiques à éviter.
Les produits pour meubles ou pour voitures
Pourquoi ne pas confier le nettoyage de votre guitare à votre médecin ou à votre boulanger ? Non ? Alors pourquoi la confier aux fabricants de produits pour meubles ou pour voitures ? Pourquoi aller au magasin de bricolage ou chez le garagiste plutôt qu’au magasin de musique ?
Il fut un temps où les produits étaient durs à trouver. La débrouille était de mise et on s’échangeait les bons plans et les produits alternatifs. Ce n’est vraiment plus nécessaire.
Trois dangers !
Le premier danger auquel vous vous exposez avec des produits non-spécifiques est d’utiliser des produits contenant du silicone. Le silicone est la lèpre des vernis d’instruments. Le silicone s’étale partout, pénètre partout et colle sur tout . Mais rien ne colle sur le silicone, à part la poussière. Outre le fait que cela rendra les réparations et les retouches de vernis compliquées, le silicone peut s’insinuer dans les joints de colle et les contacts. Il rendra le vernis mat avec le temps et pourra même le pousser à s’écailler. C’est un ennemi tellement lent et invisible qu’on le néglige.
Le second danger serait d’utiliser le bon produit au mauvais endroit. Les types de vernis sont différents et les pièces de bois vernies ou non-vernies ne doivent pas être traitées de la même manière. Si vous utilisez un polish sur un bois poreux, les pores seront bouchés et blanc pour un loooong moment. Le polish de voiture ou celui pour les meubles contiendra parfois un abrasif trop rude pour le vernis d’une guitare qui fera ressortir les griffes au lieu de les atténuer.
Le dernier danger est d’utiliser un solvant inapproprié qui attaquera le vernis soit de manière aiguë, soit plus pernicieusement avec le temps. Le vernis pourra devenir mat ou blanchir. Le même solvant pourra chasser l’eau hors du bois du manche qui se marquera plus facilement sous les cordes. Un autre produit contiendra trop d’eau et risque de trop humidifier le bois. Les produits pour meubles laissent également des résidus collants qui font briller, mais fixent la poussière.
Les autres produits
La plupart des lubrifiants, solvants, et produits 3 en 1 ou tout-en-un comme le WD40 sont à éviter, tout simplement.
Si malgré tout un pro vous conseille un produit alternatif, ne prenez que celui-là, en vous assurant d’acheter la même marque. Ne vous fiez pas qu’au résultat final. Parfois les composants principaux sont identiques, mais méfiance avec les additifs, colorants, cires et parfums contenus dans ces produits. Beaucoup de choses font briller, mais à quel prix ?
L’huile de lin est à utiliser sous sa forme bouillie, doublement bouillie ou polymérisée et pas crue. Mais elle laisse un dépôt plus ou moins collant si on en utilise trop. Ce dépôt peut s’accumuler à la base des frettes et capturer la poussière. Cette huile se solidifie dans les cellules du bois et elle scelle les pores du bois plus ou moins définitivement, ce qui n’est pas toujours souhaitable. Attention les chiffons imbibés d’huile de lin sont hautement inflammables. Autant de bonnes raisons de s’en passer.
Les produits très concentrés, sous forme d’huiles essentielles et ceux faits pour les meubles et les parquets sont à éviter.
Les fabricants mentent
Super ultimate, easy shine … il est clair que le marketing promet souvent monts et merveilles. Parfois on paie cher une formule simple. Les fabricants ont néanmoins une responsabilité de fournir un résultat acceptable, sans causer de dégâts.
Un des produits qui retient l’attention est le fameux « Lemon Oil ». Il est porté aux nues, ou voué aux gémonies selon les écoles de l’entretien du manche.
Le débat autour de ce produit provient essentiellement d’un malentendu. L’huile essentielle de pépin ou d’écorce de citron est un produit très concentré, très parfumé et très acide. Il est mordant, nocif et irritant. Il risque d’assécher le manche de votre guitare. Certaines guitares ont même perdu des frettes collées en l’utilisant. Bref, un produit à déconseiller. Mais il n’a rien à voir avec le « Lemon Oil » des guitaristes.
Les produits vendus aux guitaristes sous le nom générique de « Lemon Oil » sont en fait des mélanges d’huiles minérales et de solvants. Ils ne contiennent quasiment pas ou même parfois pas du tout d’huile de citron, juste un peu de parfum et de colorant. Quand un tel produit annonce contenir 100% d’huile de citron, cela signifie que l’entièreté du faible pourcentage qu’il en contient provient de citrons. La petite quantité d’huile de pépin de citron retirera les résidus gras du manche, pendant que la majorité des huiles minérales restantes entretiendra et protégera votre manche. Le solvant qui aide à fluidifier le mélange pour qu’il pénètre dans les pores du bois s’évapore rapidement, on essuie l’excédent d’huile et le manche est propre et nourri.
Quand les fabricants de guitare ou les luthiers vous recommandent d’utiliser du « Lemon Oil », ils parlent de cette seconde catégorie de produits qui ne contiennent quasiment pas d’huile de pépin de citron.
Il ne faut pas retirer toutes les cordes d’une guitare en une fois
Un classique, si votre guitare se dérègle malgré tout quand vous le faites, c’est qu’elle a d’autres problèmes. A part pour un ancêtre, le manche contient une barre de fer qui lui permet de résister à la tension. Le manche reprendra sa position sauf si elle reste sans corde pendant une très longue période. Pour une guitare électrique avec des pontets et un trémolo, les réglages peuvent bouger légèrement si vous n’êtes pas délicat. Si votre guitare est amplifiée, évitez de faire bouger le sillet qui appuie sur le capteur piezo. Des petits variations d’appui peuvent avoir des effets dramatiques.
Sur une guitare en bon état, avec un manche qui n’a pas soif, un vernis solide et bien appliqué, la plupart des idées stupides ci-dessus auront heureusement très peu d’impact. Avec le corollaire regrettable qu’elles persistent et se propagent plus loin sur le net.
Si vous avez suivi les conseils de la partie 1 pour ne pas salir votre guitare, le tout grand nettoyage se fera qu’une ou deux fois par an. Des petits entretiens réguliers s’ajoutent à ce grand nettoyage pour garantir fraîcheur du son, look et confort de jeu toute l’année.
Si j’ai oublié des choses, n’hésitez pas à commenter. Vous n’êtes pas d’accord ? N’hésitez pas à vous exprimer !
Je vous raconte le programme d’entretien dans la troisième partie.
10 Commentaires
Passer au formulaire de commentaire
Bonjour, super article merci!
J’avais une question sur l’entretien d’un manche en érable cuit, fini à « l’urethage gel ». Je pense que charvel parle du general finishes oiled base urethane gel topcoat. Aucune idée au niveau de l’entretien. Je me suis limité au chifon doux et sec, mais de temps en temps ben faut bien nettoyer comme on dit. Après 1 an et demi mais très peu d’heures de jeu, je constate sans aucun doute possible une usure prématurée au niveau des zones de jeu. Alors soit j’ai les doigts acides, soit j’ai fragilisé la finition avec un produit (F-one oil de chez musicnomad prévue à cet effet), ou peut-être le fast-fret…
Peut-être sont-ils responsables je ne sais pas ce que vous en pensez, mais du coup comment entretenir un tel manche, lui permettre de garder son superbe flammage sans endommager la finition? Sans entretien type F-one oil, le bois reste trop satiné et unicolore et perd de son charme, indéniablement
Auteur
Ben pour dire vrai, je ne sais pas, et je préfère ne pas dire de bêtises, le mieux est sans doute d’écrire au fabricant pour savoir.
Bonjour .
pour résumer svp quel produit conseillez vous pour la majeur partie des touches du guitare qui sont en palissandre et érable ? merci
Auteur
Pour le palissandre, je dirais une fois par an un petit passage de laine de fer 0000 si le manche est très souillé. Un petit coup de fret polishing system de chez Planet Waves (en protégeant la touche avec une petite lame en métal ou le gabarit en carton fourni). Ensuite une ou deux gouttes sur un chiffon d’huile de pépin de citron (spéciale pour guitare, j’insiste). On laisse poser quelques minutes, on enlève l’excèdent et voilà.
ATTENTION pour l’érable : évitez les produits huileux. L’érable ne prend pas l’huile et se tache ou se colore facilement. Si le manche est verni (souvent avec l’érable), le polish (spécial guitare) qui sert pour le corps pourra être appliqué sur le manche également. Si le manche est brut, le mieux est d’utiliser simplement un chiffon humide tiède, avec un savon doux si vraiment nécessaire.
Hello! Moi j’ai une question qui n’a (presque) rien à voir (mais un peu quand meme) 😀
J’ai une magnifique finition noir mat sur une guitare, et en jouant, j’ai très souvent le petit doigt de la main droite « posé » en dessous des cordes. Si bien qu’il y a à présente une trace « luisante/satinée » à cet endroit.
Comme si la finition mat etait partie. Connaissez-vous une solution pour la faire revivre? Merci d’avance!
Auteur
C’est un problème connu (je déconseille en général les guitares noires eet/ou mates à mes élèves, même si c’est rock’n’roll). Le souci c’est que c’est l’usure qui enlève les microgranulations en surface qui donnaient un aspect mat. Dégraisser la surface peut aider si c’est juste un dépôt huiluex qui s’est fait, mais avec le temps, inévitablement le vernis va se satiner. Repolir un endroit avec des pads OOOO ou de la laine de fer est risqué. Ca peut faire une zone qui sera différente du reste. Certains polissent toute la surface pour la rendre brillante ou font revenir toute la table. Bref, je prendrais conseil auprès d’un luthier, le vernis c’est un sujet délicat avec lequel on fait vite des groooosses bétises.
Bonjour,
merci infiniment pour votre générosité dans tous vos conseils.
Je galère depuis plus d’une heure à trouver réponse à un question précise. Peut-être saurez-vous m’aider… Je l’espère !
Quelle huile utiliser pour entretenir une touche en acajou ?
Ma guitare est une Takamine TSF40C
(https://www.woodbrass.com/folk-electro-takamine-tsf40c-natural-gloss-p14696.html)
La Lemon Oil (la vraie, j’ai bien retenu la leçon) est recommandée pour le palissandre mais déconseillée pour l’érable. Je ne suis pas avancé avec mon acajou…
Je vois différents produits comme F-One Oil, ou la n°02 de Dunlop, mais j’ai peur de fare des âneries.
Qu’en pensez-vous ?
En vous remerciant pour votre attention.
Bien à vous
Auteur
Difficile à dire. L’acajou est aussi souvent légèrement vernis et/ou traité au bouche-pore. Je le frotterais un petit coup. Une goutte d’huile de citron sur un chiffon devrait aider à le nettoyer à cause de l’action solvante, mais risque de le rendre collant s’il est bouche-poré, ce qui va à la longue favoriser l’accumulation de saletés.
Je me contenterais d’un chiffon propre à peine humidifié d’eau chaude pour retirer les saletés au pied des frettes. Un peu de paille de fer 0000 si ça résiste, dans les cas extrèmes. Au pire, avec parcimonie, une fois par an, un n°2 de Dunlop ou éq., une goutte sur un chiffon et bien étaler rendra le bois plus beau et plus foncé. Mais ne nourrira guère le bois.
Merci beaucoup !
est-ce que tu confirmes que le lemon oil, même dans la bonne version, n’est pas adapté ?
Auteur
Vraiment difficile à dire. Je n’oserais pas faire un pronostic.