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Pourquoi si peu de partitions dans un univers de tablatures ?

Les tablatures ...

Les tablatures …

J’aime quand l’idée d’un billet m’arrive sous forme d’une question. X. B. me demande “Pourquoi trouve t-on plus de tablatures que de partitions sur le net ?”

Il y a d’après moi plusieurs raisons à cela :

La tablature est propre à l’instrument, ce qui simplifie le déchiffrage

La tablature est une notation qui tient compte des spécificités de l’instrument en illustrant les doigtés et les rythmes sur une représentation schématique d’une partie de l’instrument.

Par exemple, comparons la partition (en haut) et la tablature (en bas) pour un morceau de flûte à bec.

au-clair-de-la-lune-sur-solEn un instant, il est possible de trouver comment produire les notes nécessaires à l’exécution de la mélodie. Si cette mélodie est connue ou si un support audio existe, en quelques minutes on peut parvenir à un résultat acceptable pour cet exemple simple.

La tablature est la notation musicale utilisée pour des instruments populaires comme la guitare (on représente le manche et les six cordes, des nombres représentant les cases frettées), l’accordéon diatonique, et parfois le piano (représentation du clavier physique). Pour le luth c’est d’ailleurs la forme de notation la plus répandue. C’est la notation de prédilection pour les instruments à manches frettés,  car elle lève l’ambiguïté sur les doigtés à utiliser pour des notes pouvant être jouées à plusieurs endroits.

Cet avantage est aussi un inconvénient. La codification spécifique à un instrument rend le passage sur un autre instrument plus difficile et est un frein à l’universalité de la musique et à la communication entre instrumentistes jouant d’instruments différents.

La tablature raccourcit l’apprentissage de la pratique de l’instrument

Elle constitue un langage concret et pratique et passe outre l’apprentissage d’un langage abstrait et codifié qui constitue le corps essentiel et incontournable d’un apprentissage académique. Il est à noter que l’attrait pour la formalisation du langage musical dans le cursus musical académique vient en partie de la volonté de rationaliser l’évaluation des élèves. A une certaine époque, le talent (réputé d’essence divine) et impossible à définir devait faire place à des notions rationnelles, mesurables voire scientifiques. Le travail et le respect des conventions sont faciles à chiffrer, évaluer et à sanctionner d’une note. Ce qui libère l’élève du jugement porté sur son manque de talent éventuel et libère l’enseignant de devoir se justifier d’un jugement forcément subjectif.

Le solfège est parfaitement dispensable de la pratique d’un instrument (et peut même être vu comme une perte de temps), mais est relativement nécessaire à la pratique de la musique.

Cette vision est évidemment un peu caricaturale en ce sens qu’une “bonne tablature” finit par s’encombrer de conventions d’écriture (ironiquement empruntées au solfège) pour représenter le rythme et l’interprétation. La tablature devient ainsi un langage tout aussi cryptique aux yeux du néophyte que le solfège pourrait l’être.

A l’inverse, dans le but de lever des ambiguïtés de doigtés et d’interprétation, certaines partitions s’encombrent également de conventions propres à l’instrument.

La tablature a profité d’une faille juridique et d’une absence de jurisprudence

Les droits de reproduction pour la musique imprimée sont strictement protégés, sans exception notable. Néanmoins une interprétation d’une oeuvre est permise à titre personnel. La tablature, en raison de ses imperfections de notation et de sa mise en page perfectible passe aisément pour un travail de déchiffrage personnel qui ne serait pas basé sur un écrit consulté et copié, soit une interprétation réalisée par son auteur à des fins didactiques.

Si ce travail personnel de déchiffrage est permis, mais dès lors qu’il y a publication ou diffusion, et surtout si la notation permet de reproduire parfaitement l’oeuvre, le droit d’auteur prévaut et beaucoup de sites de tablatures en ont fait les frais et ont dû fermer ou retirer certaines œuvres de leur catalogue sous peine d’astreinte et de fermeture

Et surtout, les tablatures sont plus faciles à produire et à partager !

Créer une partition est une tâche ardue, nécessitant des logiciels spécifiques plutôt coûteux. L’utilisation de ces logiciels fige le format de sortie et rend son partage et l’adaptation de la partition plutôt compliquée. L’édition musicale est un monde de pinailleur et d’esthètes, qui en sont encore à discuter de comment informatiser efficacement la chose. Voici d’où ils viennent :

C’est très beau, voire fascinant … mais c’est un peu lent et impayable, et ce n’est pas ce que l’ado qui veut les accords de l’intro “Chasing Cars” de Snow Patrol recherche.

Une tablature par contre peut se créer et se diffuser dans un banal traitement de texte, voire dans un bloc-note en ASCII, et se griffonner sur un coin de nappe. La génération Internet a grandi avec des sites de tablatures comme O.L.G.A. (online guitar archive) regroupant les pires transcriptions de ce que la musique a connu de meilleur. En effet, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Mais il suffit d’en essayer deux ou trois et on finit toujours par trouver un musicien qui a mis plus de soin dans sa transcription.

En raison de tout ceci, la proportion de musiciens capables de lire des tablatures dépasse largement le nombre de ceux qui lisent le solfège couramment. Et la demande détermine l’offre dans ce domaine également.

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