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La passion de la lutherie devient un métier sous mes yeux.

Ce lundi matin, j’avais rendez-vous à l’Ifapme de Limal. Cette année va voir se terminer sa première promotion de la section lutherie, Au programme, visite de l’atelier, test de guitares et d’un ukulélé pour le concert de fin d’année où je ferais une démonstration sur un instrument d’élèves, et échanges de points de vue entre les artisans et le musicien. 

visiteIfapmeLa première chose qui me frappe en entrant dans l’atelier, outre l’attendue l’odeur de bois, c’est le calme industrieux qui y règne.  Concentration, application et méticulosité font plaisir à voir chez ces jeunes d’âges et d’horizons divers.

La visite commence par une visite de l’atelier et la rencontre avec Mathieu Boulet, le formateur (je le laisse se présenter dans une vidéo que j’ai trouvée sur le site de l’Ifapme).

Les élèves de première année sont concentrés sur leur exercice d’examen: apprêter et mettre à épaisseur une fine planchette de bois, avant d’y insérer un fin filet de rosace. Sur les tables, entre les copeaux, des petits ukulélé, résultat du travail de fin d’année n’attendent plus que l’examen et le verdict du formateur.

Le cursus en alternance pour la lutherie part d’une première année axée sur le travail manuel du bois et la réalisation d’un ukulélé qui, en miniature, concrétise et rassemble les éléments déterminants d’un instrument à cordes.

La seconde année approche l’utilisation des machines pour la fabrication des divers éléments de l’instrument. L’Ifapme est lié avec le Music Funds qui rassemble des instruments que les élèves réparent et reconditionnent avant de les envoyer dans des endroits du monde dont la situation géopolitique ou économique constitue une menace à la musique et à la pratique musicale. Un des élèves se disait particulièrement fier d’avoir réparé un ukulélé parti depuis résonner dans la bande de Gaza.

Tiroir d'un élève de première année

Tiroir d’un élève de première année

La troisième année se concentre sur le projet personnel de chaque élève qui développe un projet autour d’un instrument qu’il construit ensuite entièrement. Tout au long du parcours, ils suivent des cours de musicologie, d’histoire de l’art, et les indispensables cours de droit, de gestion et de comptabilité. Les stages chez des luthiers et dans des magasins permettent de se frotter à la réalité du marché.

Au terme de cette formation, les élèves sont luthier diplômés. La formation remporte un vif succès, certains élèves venant de France pour s’inscrire, du coup les places sont comptées, d’autant que l’objectif n’est pas d’inonder le marché d’une trentaine de nouveaux luthiers par an.

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Pendant mon trajet en voiture, je réfléchissais à ma relation avec la lutherie, avec la genèse des instruments. Je suis fasciné par le soin passionné, l’amour et la précision que mettent les artisans dans la fabrication de l’instrument. D’autre part, ayant besoin de l’instrument comme d’un moyen de monter sur scène et jouer ma musique, je vois la guitare comme mon outil pour pratiquer mon art, parfois je serais amené à faire des choix qui ne seraient pas forcément le choix de l’artisan.

Pour citer quelques exemples classiques, les luthiers n’aiment pas les cutaways, la plupart ne sont pas fans des systèmes d’amplification intégrés dans les guitares. Les motivations sont acoustiques et structurelles et il faut arriver à “compromettre” la fabrication du meilleur instrument possible avec les aspects pratiques, car le bel instrument dont on joue par passion chez soi à la maison a des qualités différentes de celui qu’on trimbale de cachet en cachet comme je le fais, qui est différent de l’instrument vivant de récitals dans des salons feutrés. Je suis conscient qu’un vernis gommé est un travail magnifique, mais savoir qu’une goutte de bière suffirait à le ruiner me fait froid dans le dos.

C’est tout le drame de la guitare folk depuis le début de son existence. Une sorte de lutte incessante entre la nécessité d’un son puissant capable de se projeter entraînant une rigidité capable d’encaisser la tension des cordes métalliques qu’il faut contrebalancer d’une grande finesse, d’une facilité de jeu et d’un équilibre sonore, le tout embarqué dans un instrument qui roule sa bosse pour amasser sa mousse.

Nous nous dirigeons vers l’atelier de carrosserie automobile, où les instruments des élèves de troisième et dernière année sont exposés pour être testés. Il y a une belle diversité : quelques guitares, essentiellement des petites caisses, une 12-cordes, un joli modèle archtop électrifié, un guitalélé, un ukulélé.

Il va falloir faire un choix.

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Exposition des guitares de 3ème année (Ifapme)

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Exposition des guitares de 3ème année (Ifapme)

Je cherche l’instrument que ma technique de jeu particulière mettra le mieux en valeur. Evidemment, peut-être que pour celui dont l’instrument ne sera pas choisi ou critiqué (ou choisi ET critiqué), ce sera sans doute moins plaisant, mais je ferai le choix qui me convient sur base de critères qui me sont propres. Il ne s’agit pas d’un jugement sur les choix de construction posés par chacun. D’autres auraient fait d’autres choix que moi pour d’aussi bonnes ou mauvaises raisons. Et puis comme je n’y connais rien en lutherie, mon choix n’engage que moi.

Présentation des guitares de 3ème année (Ifapme)

Présentation des guitares de 3ème année (Ifapme)

L’archtop et la 12-cordes m’intéressent par leur côté exotique (à mes yeux), mais ne collent pas à ma pratique …  le guitalélé c’est sympa, mais je trouve cet instrument un peu trop entre deux eaux, et en général je lui préfère soit une guitare, soit un vrai ukulélé. Je suis un homme de parti pris. Il n’y a pas de modèle de ukulélé de taille tenor ou concert, ce ne sera pas possible de faire de l’instrumental, alors on poussera la chansonnette.

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Je suis très attentif au touché des manches, le vernis et la finition des frettes revêtent une importance cruciale pour moi. Je teste une joli guitare avec un chouette son, mais avec des frettes légèrement inconfortables. Avec un jeu classique très délié les aspérités des frettes sont peut être moins perceptibles, mais quand je joue les basses au pouce par dessus le manche avec des accords à ras des frettes, avec mes doigts charnus je les perçois nettement. Je prends conscience, sur l’un ou l’autre modèle, d’un vernis un peu collant par nature ou rugueux au toucher. Ce sont des guitares très neuves, parfois peu jouées et certains de ces aspects résultent d’un manque de patine. Ma Martin OM21c présentant le même inconvénient au déballage.

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Test des différentes guitares (Ifapme)

Un des élèves me fait remarquer que de manière amusante, la partie de la guitare sur laquelle ils passent le plus de temps de travail est la caisse de résonance de l’instrument, tandis que de mon côté je me focalise sur les endroits où je pose mes mains. Il est vrai que la plupart des instruments présentés sont des modèles à petite caisse qui me sont familiers et constituent mon orientation naturelle en terme de son et de maniabilité. Une jumbo ou une dreadnought aurait sans doute retenu plus d’attention côté caisse de ma part.

Test des différentes guitares (Ifapme)

Test des différentes guitares (Ifapme)

C’est un des soucis de la lutherie … souvent le premier degré de finition se jauge à l’œil, le second degré se mesure à l’oreille mais la qualité ultime se perçoit au toucher, à la manipulation à l’équilibre de la construction. Pour moi l’instrument doit pouvoir se faire oublier pour que toute la conscience du musicien soit sur l’interprétation.

En toute subjectivité, dans mon style de picking plutôt dynamique, joué aux onglets, je cherche également une sorte de “growl” dans le bas-médium et des basses présentes pas trop mattes avec des aigus bien balancés qui permettent de faire ressortir la mélodie. Il me faut également une guitare avec une grosse réponse que je n’ai pas l’impression de brutaliser quand je la fais sonner.

Au final, j’ai peut-être choisi une pantoufle, une guitare qui n’est pas celle qui brille le plus par l’une de ses qualités intrinsèques, avec un vernis perfectible, mais celle qui propose le meilleur compromis entre le confort de jeu et le son que je recherche. Qui me donne ce que je cherche sans que je doive me battre avec elle. Car je ne la jouerai qu’une fois, lors du concert, devant un micro. Nous discutons encore de l’un ou l’autre réglage, des tirants, de l’accordage et des types de cordes pour chaque instrument.

Passionnante visite en tout cas, des rencontres intéressantes, tant avec les formateurs qu’avec les élèves et leurs instruments et je me réjouis de la merveilleuse initiative de re-populariser le métier de la lutherie en Belgique.

On se retrouve le 27 juin à Limal pour le concert de clôture de cette première promotion de luthiers autour de quelques morceaux de guitare et un peu de ukulélé.

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